Rien qui ne finisse haché menu, sauf le hachoir. J’y mets les mauvais souvenirs, les moments de déprime, les heures creuses et les drames. Je glisse dans le bol mélangeur les attentes infinies, les déceptions inévitables, les turpitudes et les blessures d’amour-propre. A vitesse maximum tout devient une pâte molle, informe, douçâtre et plus rien ne m’atteint. Je renverse et malaxe la glaise obtenue. Mes mains modèlent des santons de souvenirs précieux, des instants de bonheur évanouis, des éclats de rire, des éclairs de génie, des coups de chance, des coups de foudre et la tendresse des enfants pour leur mère. Ce sont les silhouettes retrouvées des joies que je croyais pour toujours effacées ; les ombres prennent corps et tout ce qui avait disparu revient avec la netteté du premier jour. Le hachoir rebat infiniment les cartes.