L’homme est ainsi constitué qu’il doit se nourrir régulièrement. Il s’alimente par habitude trois fois par jour. Le matin au lever, vers midi, puis à la tombée du jour, si le jour tombe à l’heure du dîner. Chaque repas impose ses propres règles, et l’homme n’y déroge pas. A condition que les stocks le lui permettent. Il alterne selon l’inspiration du moment. Nouilles, coquillettes, macaronis, spaghettis… C’est à chaque fois un choix cornélien. Un modèle mathématique lui permettrait d’atteindre ses objectifs : premièrement ne jamais manger deux fois de suite la même chose, deuxièmement ne pas créer de série répétitive de repas. L’homme se dit qu’il pourrait s’atteler à la question en utilisant un programme informatique. Mais c’est bientôt l’heure du repas : cela attendra. Et il n’a aucun souvenir de mathématiques. La cuisine est un rituel immuable. L’eau dans la grande casserole. La casserole sur la plaque électrique. Bouillonnement. Pincée de sel. Grosse. Interrogation. L’homme a-t-il salé l’eau ? Dans le doute : pincée de sel. Petite. Et il s’agit de jeter les pâtes sans se faire brûler par les éclaboussures. Au fil des jours, l’homme progresse dans cet exercice. Les énormes cloques des premières expériences s’estompent. A la fin du confinement, il y sera particulièrement adroit. Attendre le minutage indiqué sur le paquet. Pendant ce temps, regarder l’eau qui bout. Goûter. Égoutter. A chaque repas, l’homme place sur son assiette fumante la moitié du beurre qui lui reste. Il apparaît qu’ainsi il en aura assez pour tenir jusqu’à la fin.