Je m’installe confortablement dans mon fauteuil, le seau de popcorn sur les genoux, et le spectacle peut commencer. Pas la fenêtre je vois le monde, le commencement du monde. Chaque matin semblable à la veille ou si légèrement différent qu’il n’y parait rien, mais, au fil des jours, rien ne ressemble plus à ce qui était. Pas seulement les saisons qui passent et les hommes qui vieillissent : des modifications discrètes en profondeur qui touchent chaque pierre du chemin, chaque herbe du talus, chaque oiseau des buissons. Le monde s’étiole, se recroqueville, se fendille, s’assèche. Je grignote, les yeux rivés sur les flaques qui disparaissent et les oreilles ouvertes au silence de plus en plus pesant. Longtemps que je ne bouge plus. Longtemps qu’un rossignol a chanté. Longtemps même que la dernière feuille a bruissé dans le vent. Lorsque je me lèverai, il faudra tout reconstruire.