Site icon Sébastien Bailly

277 – aigre

Certains jours, ton absence est une brûlure qui m’écaille le derme en copeaux de charbon

Ardente, tu n’appartiens qu’aux rêves qui s’estompent

Aux pénombres reculées de la ville où les chiens jappent aigre après les papiers gras

Ton éclat manque aux ronds-points des zones commerciales abandonnées où je rôde à la nuit

Comment veux-tu que je sois ailleurs : rien ne m’attire, tu n’y es plus

Je ploie sous la vacuité des enseignes éteintes, des reflets mornes ; les vitrines vides me déchiquète la rétine

Je ne vois que toi, partout, entre les poubelles éventrées, les amas de gravats, les restes d’incendies éteints

Tu n’y es pas

Les affiches géantes se décollent en lambeaux promotionnels usagés, on devine un monde qui a depuis longtemps fait faillite, de foire aux lots en soldes d’exception

J’ai dilapidé le stock de bonheur aux coins reculés des parking déserts

Il n’y a plus de réserves et rien ne pousse sur les terres bétonnées

Errent des animaux aux os saillants, à peine capables de mouvements

Il faut survivre là, dans l’iridescence morbide des flaques d’hydrocarbures

Survivre puisque tu n’y es pas

Les panneaux délavés promettent la belle vie, les couleurs ont passé

Une zone pavillonnaire jamais sortie de terre annonce à tout jamais sa qualité de vie exceptionnelle

Terrain vague, zone, friche : personne pour dépolluer notre passé

Par ici la sortie, le magasin de bricolage s’est effondré

Je ne peux vivre ailleurs

J’ai vu passer une famille de sangliers plus heureuse que les caissières démissionnées qu’on croise parfois, hagardes, à la recherche d’un souvenir de leur gloire d’antan

Elles se damneraient pour l’insulte d’un client

L’enfer est déjà là

De tout cela rien ne manque que toi

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