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288 – La honte

Ils m’ont appris la honte, non de ce que j’aurais pu faire, mais de ce qu’ils ont décidé, de ce qu’ils ont laissé faire, de ce qu’ils ont bien voulu croire. Aujourd’hui encore, je reste tétanisé plusieurs heures lorsque me revient leur assurance, leur morgue, leur incroyable faconde. Ils se vantent de ce qu’ils disent avoir accompli, des savoir-faire qu’ils auraient mis en œuvre, et en appellent aux applaudissements : ils ont échoué, certes, mais l’on devrait y reconnaître un brio, une excellence, une méthode qui, si elle n’a rien prouvé, devrait démontrer leurs capacités. Ils en sont les premiers prophètes, se tapant la poitrine des poings, répétant à tous vents leur réussite dans la débandade, et réclamant la reconnaissance de tous ceux qu’ils ont abandonnés en ratant l’inratable.

Elles m’ont appris la honte, celles qui dénoncent les violences, celles qui militent pour le consentement, celles qui hurlent au patriarcat mais qui, aux manettes, ne font pas mieux que ceux dont elles se plaignent, Je reste prostré des heures lorsqu’elles affichent leurs valeurs, lorsqu’elles crient leurs slogans. Lorsqu’elles comptent leurs mortes. Elles m’ont appris la honte lorsqu’elles s’estiment légitimes et entachent leurs combats de leurs turpitudes inavouées.

Oui, j’ai appris la honte et je respire à peine quand je les vois jouer leur innocence avec la plus veule des sincérités. La honte. Leur honte.

C’est leur honte qui glace mes larmes. Leur honte en vagues de verglas dans mon dos. Leur honte absente toute entière concentrée dans mes poumons qui se contractent, givrés par l’air devenu irrespirable.

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