Chaque scarification dans le dos de Determ Vlodisk soulignait sa honte, la honte ressentie pour celles et ceux qui l’avaient maudit et avaient usé contre lui de leur magie, ou lancé les pierres du chemin espérant le voir accélérer sa fuite. Determ ignorait comment l’on pouvait se conduire ainsi, avec si peu d’empathie, sans rien vouloir comprendre.
Des omoplates au creux des reins, ce n’étaient que boursouflures violacées, cicatrices suintantes, plaies encore à vif. Il marchait torse nu pour que personne n’oublie comment il avait été traité et que sèchent les blessures.
Des mouches se collaient à sa colonne vertébrale, bourdonnaient près de ses aisselles, suivaient sa marche vers l’avant.
Il se souvenait avoir voulu prendre sa part du monde et le monde n’avait pas supporté. Il avait voulu montrer une direction et personne n’avait voulu le suivre, il avait commencé à vouloir marcher et il avait reçu des coups. Il avait alerté et on l’avait lynché.
Determ Vlodisk avait voulu changer quelque chose, obtenir un résultat. Tout avait résisté. Pire, il était devenu le problème, puisqu’on ne voulait pas voir celui qu’il annonçait.
Les eaux monteraient, il fallait quitter le village, aller prendre sa part du monde ailleurs, plus loin. Il ne fallait pas attendre de voir l’eau. Il serait trop tard. On n’avait pas voulu le croire. Bientôt, en se retournant, Determ Vlodisk verrait les vagues engloutir la vallée. Aucun barrage ne suffirait à protéger celles qui seront restées. Elles le maudiraient. Trop tard. Bien trop tard.
Si les huttes disparaissent sous les eaux, on dira que c’est de la faute de Determ Vlodisk : ses bras auront manqué pour construire un barrage plus solide, son départ aura démotivé les hommes. Il aura fait naître la dissension. Sans ça, elles sont sûres que le désastre aurait pu être évité. La dernière chose qu’elle feront avant de s’enfuir, ayant tout perdu, ce sera de le maudire une fois encore. Elles le tiendront responsable de leur propre folie.
Determ Vlodik a pris le sentier qui passe la montagne. Vers les plateaux. Là où il est sûr que l’eau n’arrivera pas.
