Il n’est pas tout à fait inenvisageable que vos actions aient eu des conséquences exactement contraires aux objectifs que vous vous étiez fixés. Il se peut dans ce cas que, dans un mouvement qui vous semble logique, vous considériez que vous n’auriez rien à vous reprocher puisque vous visiez où il convenait. Vous targuant que c’est l’intention qui compte, vous pensez mériter les éloges qui reviennent à celles et ceux qui réussissent. Quelle différence en effet entre votre échec et leur succès ? Qu’importe l’état du terrain après votre passage si vous l’avez ruiné pour la bonne cause ? Les dommages collatéraux ne sont que le résultat de vos ambitions légitimes. Pourquoi vous en voudrait-on pour ce « après moi le déluge » : vous avez tout donné et fait le maximum. Qui vous reprocherait votre insuffisance ? Voilà qui serait, vraiment, un bien mauvais procès. Il convient de reconnaître que vous êtes formidables : l’énergie dont vous avez fait preuve compense largement l’absence de résultat dont rien ne vous oblige à convenir. Vous avez brassé l’air, dépensé les budgets, bafoué le droit du travail, explosé votre bilan carbone, menti en public, procédé à des arrangements, mais vous vous êtes montrés souriants, et parfois convaincants. Vous avez su rassurer vos commanditaires et ne jamais dire en public le mal que vous pensiez de ce que vous ne compreniez pas. Vous avez si bien manoeuvré qu’on a applaudi votre mise sur la touche sans souligner vos erreurs, vos errements, vos aveuglements. C’est la force des médiocres. Chacun s’est félicité du travail accompli avant de s’empresser de passer à autre chose qu’on oubliera aussi vite. Sous les hourras, puisqu’il faut bien s’enthousiasmer.