On ne pensait pas que ce serait si long. À moitié noyé dans le bitume fumant, on croyait en sortir. Englué dans la poix, en l’absence de main tendue, aspiré par le fond, une dernière bouffée d’air.
Rampant enfin sur la rive meuble, recouvert de goudron, de limon, qu’espérer ? On s’écorche les coudes. On inspire. Et c’est l’odeur vaseuse des vidanges de contrebande. On crache le liquide saumâtre qui gorge nos poumons.
Là-haut l’herbe est plus tendre. Juste après les chardons. Écoute ! On devine le chant d’un pinson. Ou bien un rossignol. Il faut franchir les ronces, dépasser le bosquet. S’extraire enfin des marais.
On n’y arrivera pas. Ou jamais tout à fait. On a laissé dans les crevasses une partie de son âme. On a gardé au creux de sa peau les traces indélébiles des bas fonds. Des lambeaux de peau pourrissent entre les poissons morts.
Si l’on se relève, c’est pour toujours courbé par le poids de l’épreuve. Les sourires qu’on fera seront mouillés de larmes. Ne pas se plaindre. On n’aurait pas parié contre la noyade.
