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65 – Les mouches

Six ou sept marches d’un escalier de pierre menaient de la basse-cour – poules, pintades, dindons, clapiers à lapins – à la pièce principale, cuisine et salle à manger – évier en grès, table en Formica, quatre chaises assorties – où dans un verre de cantine, la vieille femme proposait un café, ou une limonade. La fraîcheur préservée par l’épaisseur des murs saisissait par contraste : le soleil, pourtant estival, ne pénétrait jamais ici par les deux petites fenêtres renfoncées dans la façade. De quoi parlaient les adultes ? Du temps, de la maturité des haricots, de la santé. Je regardais les mouches qui volaient, se posaient, suçaient de leur trompe avide des carrés de sucre, grouillaient presque dans les recoins. J’étais fasciné par les serpentins de papier collant qui tombaient du plafond comme les guirlandes d’une fête pitoyable et triste. Papier jaune, semblant cassant, par endroit recouvert de tellement de cadavres d’insectes qu’on imaginait comme un ver infâme descendant des poutres. Il était alors temps de changer le piège. La vieille femme depuis longtemps ne s’occupait que des mouches et des haricots. Son fils, – un homme déjà mur, célibataire et dévoué à sa mère et aux vaches –, de nourrir les bêtes, de la traite et des récoltes. Elle avait pour les minots que nous étions une tendresse fruste de vieillarde qui sait qu’elle ne verra jamais grandir ces enfants de la ville à l’odeur louche de savon. Elle passait peut-être sa main dans nos cheveux, celle-là même qui venait de décrocher la guirlande de mouches pour la remplacer par un serpentin neuf et brillant. Et elle nous souriait de ses quelques dents jaunes. C’était, pensais-je, cela aussi, la vie.

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