Lave-toi la bouche avec du savon, disait ma mère lorsque mon père jurait. Et ça arrivait plusieurs fois par jour. Il aurait aimé ça, le savon à l’olive, il aurait pris l’accent provençal, et on aurait entendu les cigales dans la lavande au lieu de ses blasphèmes à répétition. Le bon dieu aurait préféré ça, et ma mère aussi. Finis les « bordels de dieu » à tout bout de champs. Mais peut-être qu’il aurait ponctué ses phrases de « putain con ». Le côté provençal. Je ne sais pas faire l’accent. Je viens du Nord, con. Et puis peut-être qu’il aurait parlé en soufflant quelques bulles de savon qui auraient volé irisées dans le salon. Parce que ce n’est pas comestible, sans doute même mauvais pour la santé. Mais les bulles, ça nous aurait fait rire comme son accent du Sud, lorsqu’on était enfant. Du savon de Provence, ça aurait mis du soleil dans la maison, et notre bourru de père aurait eu l’air un peu plus sympathique. Dommage.