On croit toujours avoir inventé l’eau tiède. On n’a pas la culture historique. Et puis… avant nous, c’était le désert, non ? Alors, le journalisme citoyen, on croit l’avoir inventé avec les blogs, quand la technique a permis à chacun de prendre la parole, de s’affranchir de la technique. Allez c’était les années 2000, on inventait, on changeait le monde. Bon, on aurait pu regarder dans le rétro aussi. Au détour de nos lectures, en ligne, tout de même en ligne, on découvre que le journalisme amateur, ça date un peu. Citons.
Le mouvement de l’amateur press débute aux États-Unis au milieu du xixe siècle avec la diffusion de machines d’impression bon marché, des presses mécaniques permettant de reproduire des textes à bas coûts. Naît alors un hobby qui consiste à écrire, éditer et imprimer ses propres magazines, et à les faire circuler autour de soi. Il prend le nom de « journalisme amateur ». Cette désignation peut être trompeuse : le « journalisme amateur » a peu en commun avec le journalisme, sinon une ressemblance matérielle dans les modes de reproduction de l’écrit et dans le format des publications. Il s’agit à la fois d’une activité mécanique, la maîtrise d’une machine d’impression, et d’une activité, sinon tout à fait littéraire, du moins éditoriale, la production, la sélection et l’édition de textes à imprimer. La coexistence de ces deux dimensions produira une tension permanente au sein du mouvement des amateurs, dans un continuum allant d’un pôle de techniciens à un pôle d’écrivains. Rapidement, des associations se créent pour rassembler et organiser ces journalistes amateurs. Elles deviennent à la fois un espace d’entraide et le débouché principal des publications amateures. Les revues produites par les amateurs n’étant pas commercialisées, elles sont destinées quasi exclusivement au cercle restreint des membres de l’association. Chaque amateur peut ainsi produire son propre magazine ou contribuer à ceux des autres. Une fois imprimées, ces revues sont envoyées à un animateur de l’association, chargé d’en faire parvenir une copie à chacun des membres. Aucun critère ne limitait la nature ou le contenu des textes amateurs, sinon les coûts de reproduction qui décourageaient les travaux trop longs.
Alors, voilà, en fait, on n’a pas inventé ce qu’on croyait. Mais ce n’est pas grave, hein, c’était chouette quand même.
Le paragraphe cité est de Samuel Coavoux, dans un article intitulé « Life itself ». L’engagement d’Howard Philips Lovecraft dans le journalisme amateur, disponible dans la revue Contextes.