Jusqu’où l’homme peut-il aller dans le confinement ? Y a-t-il une limite au-delà de laquelle il n’y aurait plus rien à confiner ? Ces questions sont légitimes et la réponse évidente. L’homme peut ne pas bouger. Plus du tout, et rendre imperceptibles les gargouillements internes de ses viscères, inaudible le souffle de ses poumons, inodores les battements de son cœur, sans saveur ses clignements de paupière. Sa température sera celle exactement de son canapé. Sa couleur même, entre gris souris et maronnasse d’automne pluvieux, le rendra invisible. Heureux de n’avoir jamais envisagé l’acquisition d’un clic-clac à rayures, l’homme aura disparu. Le virus tournoiera comme un beau diable à proximité mais il ne pourra le repérer : l’homme sera un coussin comme les autres, inerte aussi longtemps qu’il retiendra sa respiration. En apnée-canapé, l’homme est inaccessible et pour toujours en bonne santé, joyeux et convivial. D’une humeur badine, il attend son heure avec la bonhomie de ceux qui savent que la fin justifie les moyens et que tout vient à point à qui sait attendre que la caravane passe. S’il ose esquisser un sourire, c’est parce que sa confiance en l’avenir est absolue. Le virus se tapera la tête contre les mur jusqu’à perdre la raison.