Les travers du journalisme en ligne apporteur d’audience se mesurent aussi à l’aune d’une dérégulation totale du métier. Noyé dans le flot incessant des nouvelles, le professionnel recruté pour son hyperréactivité sur la Toile joue au serpent qui se mord la queue : il fait savoir ce qui se sait, montre ce qui se voit, réagit à ce qui génère des réactions.
Intéressant article : "Journaliste, ou copiste multimédia ?", de Marie Benilde, sur le site du Monde Diplomatique.
"il fait savoir ce qui se sait, montre ce qui se voit", ben oui, il utilise le "buzz" (vilain mot, décidemment), pour trouver sa place dans le flux des conversations. Un peu comme le journal du matin titrera sur le fait divers sordide qui s’est passé à quelques kilomètres de chez moi, parce que "ca fait vendre, coco". On ne réinvente rien. On utilise les lois de proximité différemment. Et, savoir ce qui fera buzz avant les autres, c’est être là où l’audience viendra naturellement, par capillarité, apportée par le flux des requêtes et la magie de Google. Logique de capture d’audience qui ne suffira pas à fidéliser le lecteur, mais lui fera connaître le journal.
Fidéliser, c’est proposer l’information qui fait revenir, soit qu’elle est plus "intéressante", soit qu’elle est plus réactive, soit qu’elle est plus… Bref, ce n’est pas en parlant de ce dont tout le monde parle, mais bien en annonçant ce dont tout le monde, peut-être, va parler. Bref, en étant, aussi, à l’origine de l’info, en faisant un "vrai" travail de journaliste (puisque pour beaucoup, il ne serait de journalisme que d’investigation).
Investigation : le mot est laché. Internet n’est, heureusement, pas que le lieu de la superficialité, pas une simple surface sur laquelle l’information ferait des ricochets à n’en plus finir. L’info ricochet, la même d’un site à l’autre, qui perd petit à petit de son amplitude, de son intérêt, n’a qu’un temps. On peut aussi, on doit, considérer Internet comme un terrain "normal". Pour un quotidien régional, presque "une locale de plus". Où l’on peut aller au delà de la surface, chercher ce qui se trame en profondeur, sonder les courants, pècher en eaux troubles. Bref, il y a le journaliste qui ricoche et celui qui se mouille. Cela non plus n’est pas totalement nouveau.
Et rien n’empèche un journal d’employer les deux. Ni même un journaliste, suivant l’heure ou la rubrique, de faire les deux. Pour peu qu’il sache nager.
Vaste sujet, débouchant sur bien des questions… Pour ne prendre que celle-ci, Google, dont la magie n’est certes pas moindre : on sait qu’en titillant ledit moteur comme il convient, on contribue à « faire venir de l’audience ». Mais Google comme moyen d’ « investigation » ? Tel ce fameux barbier qui « rase tous ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes » (la question étant de savoir, paradoxe, s’il se rase lui-même…), Google qui « ne donne que les informations qui ne sont pas nouvelles » peut-il apporter par lui-même du nouveau? La seule issue au paradoxe du barbier c’est en fait…de se laisser pousser la barbe. Et pour Google, d’y apporter soi-même ce qu’on cherche.
« Pour peu qu’il sache nager. » On espère en eaux claires 🙂
Le monde diplo* décris là le fonctionnement de google news qui analyse les nouveaux sujets émergeants dans l’actualité.
Doit-on aller plus loin et analyser les signes précurseurs de l’actualité dans la recherche google**.
Et y répondre humblement.
Ou rester dans des positionnements traditionnellement de la profession et on se base sur le flaire de journalistes « qui se mouillent ».
Entre parenthèse google-news est souvent le révélateur du buzz-mécanique de l’AFP repris en coeur sur les sites médias. Cela dans la continuation d’un mode de fonctionnement traditionnel dans la PQN et PQR. Il serait intéressant d’étudier et amplifier les signaux faibles. Des initiatives se font jour outre-atlantique et en France. Je pense par exemple à zutopix.org.
Les journalistes n’y sont pas forcément présents.
*On rêve il n’y a pas de commentaire sur Le Monde diplo :!
**Quelques notes sur le sujet
http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/reflexion-sur-insight-google