Il y a dans l’écriture sur l’écriture un risque qui tient au sujet même : une sorte de mise en abyme, et quelque chose pour toujours d’insondable. Je décris comme il faudrait écrire : les mots, les phrases, les plans mêmes qu’il conviendrait d’utiliser, ce qu’on a dans la boîte à outils pour atteindre son but, faire passer son message. Et, écrivant, je me surveille appliquant à plus ou moins bon escient les conseils que je dispense. Croyez-moi, il y a dans cette rédaction là un vertige, et une angoisse. Et si ma lectrice, mon lecteur, me prenaient en défaut ? Inévitablement, il le fera, et il aura beau jeu de se gausser.
L’argument du cordonnier
Le doigt dans le pot de confiture, je n’aurai qu’une porte de sortie : cordonnier, mal chaussé, et bravo d’avoir repéré l’incohérence, mais au fond de moi ce tremblement, j’aurais mieux fait de mieux faire. Si j’écris sur l’écriture, le moins qu’on puisse me demander, c’est de montrer l’exemple, d’être à la hauteur, de surplomber un peu le sujet. Inattaquable. Ce ne sera jamais le cas, je n’y crois pas.
Alors que sort mon dernier livre : « Maîtriser les techniques rédactionnelles », je sais les malotrus qui me feront remarquer d’abord quelques phrases mal foutues, et peut-être même une ou deux coquilles « inexcusables ». Et d’où vous permettez-vous de donner des leçons, monsieur, alors que vous semblez inapte ?
Je sais que cela arrivera : la première remarque lorsque j’ai sorti mon roman, Mum Poher, trois ans de travail et pas rien pour moi, dans mon rapport au monde et mon lien avec l’écriture ? Une faute d’orthographe. J’avais laissé passer un faute… (Pas qu’une d’ailleurs, toutes mes confuses excuses pour ça).
Il y a les bienveillants, qui envoient un mail, et qu’ils en soient remerciés, hein. Et ceux qui fondent sur leur proie en public. Même si cela ne les grandit pas, ce n’est pas ce qu’on préfère lire en premier sur son travail.
Donc, là, j’explique les techniques rédactionnelles : quels mots utiliser, comment construire des phrases, et même le plan qui conviendra le mieux à vos textes. Et puis je parle de longueur de phrases, de rythme, de style. Alors pour peu qu’on juge que j’en manque, et l’on a bien le droit de le faire, ça promet…
J’écris sur l’écriture. Je me moque même parfois de celles et ceux qui ne vont pas au plus simple, qui s’empêtrent dans leurs phrases, qui pondent des textes impossibles : si j’ironise, rien d’anormal à ce que le boomerang me revienne en pleine poire. Je le cherche bien. Paf !
Alors voilà, mon livre sur la façon d’écrire sort enfin. J’y ai mis pas mal de moi : autant d’années d’écriture qu’il y en a depuis que je sais écrire, plus de 20 ans de conseils prodigués, et je sais déjà que vous me reprocherez une faute de français, un accord mal digéré, une virgule.
L’argument du coach
Et vous aurez bien raison : ne vous privez pas. Il parait que, depuis toujours, les coachs sont moins bons que les joueurs de premier plan. Je serai juste heureux que certains progressent un peu et aille un peu plus loin que là où j’ai réussi à aller. Et cela commence peut-être pour vous par repérer mes propres faiblesses.