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Pourquoi les ateliers d’écriture

Comment il aura fallu un peu plus de 20 ans pour que je commence à animer des ateliers d’écriture.

S’il faut une scène fondatrice, c’est peut-être à la librairie Sauramps, à Montpellier, le livre de François Bon, Tous les mots sont adultes, sur une table. Sans doute en 2000, c’est la date de la première édition. L’envie de participer, un peu, à des ateliers, mais déjà l’envie d’en animer, de faire écrire. François Bon, c’est un fil conducteur, comme pour beaucoup d’autres qui s’intéressent au sujet. Il y a ce livre fondateur et puis, en 1993, il y avait eu cette recommandation d’Yvan Leclerc, figure tutélaire du professeur d’université qui m’a accompagné dans ma maîtrise de lettres modernes et qui m’a recommandé la lecture de Un fait divers, de François Bon. Comment imaginer qu’on finirait par faire connaissance. Un écrivain publié chez Minuit, comme Duras et Beckett… C’était presque un personnage de fiction pour l’étudiant que j’étais.

Ce qui va me rapprocher de François, c’est Internet. J’y débarque un tout petit peu avant lui, il y fait des trucs passionnants, j’y fais mes machins. Lui, c’est la littérature, toujours, et l’édition. Moi, je tourne autour, et c’est l’actualité. Internet est un sujet dont je parle, puis un outil que j’utilise. En 2003, coup sur coup ou presque, je publie chez Eyrolles Bien écrire pour le web (le premier livre sur le sujet, obsolète aujourd’hui), S’éditer, le guide de l’édition et de l’autoédition (un livre assorti d’un CD-Rom plein de ressources pour écrire et s’éditer), et Jouez avec les mots (actualisé et réédité par 1001 nuits en 2015 sous le titre Les mots pour le rire). Et puis il y a les blogs, et des commentaires sur ce que j’écris signés de son discret F. C’est lui.

Moi, les ateliers d’écriture, j’en ai proposé à un libraire, et puis ça ne s’est pas fait. J’ai assisté à un, physiquement, et j’ai trouvé ça un peu vain, je ne sais plus quelle contrainte à partir de laquelle écrire on m’avait proposé, au premier étage d’un bar depuis transformé en banque, mais je n’y étais pas retourné. C’est qu’il faut trouver quelque chose, il faut que l’animateur ou l’animatrice pousse un peu plus loin, dans les retranchements même. Et puis il y a mon rapport à l’écriture qui bloque. J’écris, j’écris beaucoup. Mais c’est du journalisme, et des livres, mais qui toujours me permettent d’éviter d’une façon ou d’une autre la question centrale de la littérature comme production personnelle. Ca viendra, ça viendra, mon chemin est long.

Je forme aussi à l’écriture. Et cela depuis l’an 2000. Une longue expérience, avec d’abord des formations à l’écriture professionnelle (rapport, note, courrier), de très nombreuses et passionnantes formations à l’écriture web, commencées du temps où l’on n’était pas plus de cinq à en proposer en France, aujourd’hui tout le monde fait ça… Et, petit à petit, des formations un peu plus pointues pour dynamiser son style, ou écrire clairement. J’adore ça, et cela se passe plutôt bien. Je continue de le faire. J’avais eu la chance, en 1997, de suivre la formation de Pascal Perrat « Enrichir son style » au Centre de Perfectionnement des Journalistes. Je sais depuis que c’est cela que j’ai envie d’apporter. Pascal a beaucoup fait pour me donner confiance en me glissant à l’oreille, en fin de formation : « vous avez du talent ». Je suis faible, et sensible aux compliments…

Les ateliers d’écriture, j’y participe enfin à partir de 2018, lorsque François Bon commence à proposer des cycles en ligne. Là, c’est les mains dans le cambouis de la littérature. Je suis en pleine rédaction de mon roman, Mum Poher. Je franchis le pas, j’arrête de tourner autour de la question. J’ose. J’y vais. Depuis, j’ai beaucoup participé aux ateliers. Je suis convaincu de choses assez simples : que pour écrire il faut écrire et que le travail d’atelier, faire ses gammes, s’essayer à des choses, voir ce que les autres en font, c’est cela qui fait progresser.

Et puis j’ai une vraie chance : mes projets professionnels se prennent de plein fouet le mur du Covid. Je ne signe pas le CDI que je devais signer en avril 2020. Trop risqué pour la petite entreprise avec qui nous envisagions un avenir commun. C’est brutal, mais salutaire. Je dois me retourner en quelques semaines pour continuer à faire bouillir la marmite, j’abandonne le journalisme après 15 ans plongé dans l’actualité locale. Une chance folle car cela me laisse du temps. Je continue à donner des cours de techniques rédactionnelles (en licence et en master), et je lance EcrireClair.net, un site de formation à l’écriture. Ecrire et donner des cours, c’est justement ce que j’ai le droit de faire à côté du boulot que j’ai trouvé. Alors je le fais. J’adopte un nouveau rythme de vie. Moins de trains à travers la France et l’Europe, plus d’heures de travail au petit matin, avant 7h, et le week-end.

Et les choses s’emballent un peu. L’agence Normandie Livre et Lecture propose une formation à l’animation d’écriture en juin 2021. Deux jours, gratuits, pour les auteurs de la région. Deux jours à la villa La Brugère, à Arromanches, avec La Chouette Association et Mélanie Leblanc. Je candidate, je suis retenu. Le lieu est magique, les gens formidables. Et, dans la foulée, François Bon passe la surmutipliée, avec deux cycles d’ateliers d’écriture simultanés et une « formation de formateurs » en ligne. Je m’engouffre.

Juillet 2021. Je propose mon premier atelier d’écriture en ligne autour du livre « Je t’aime comme », de Milène Tournier. Milène nous fait le plaisir d’être là. Il y a plus de 70 inscrits, près de 40 personnes présentes en ligne qui écrivent ensemble, à distance. C’est un moment magique. François Bon soutient le projet, financièrement aussi, et l’atelier est proposé gratuitement. On ne peut rêver plus beau parrainage. C’est un moment très fort. J’ai adoré. Et je crois que le pli est pris. Deuxième atelier en ligne en août et le troisième en septembre avec l’idée de garder ce rythme, si les idées suivent. Parce que j’ai envie de proposer des ateliers originaux, qu’on n’aurait pas vu ailleurs. Les trois premiers s’appuient sur des textes qui viennent de paraître. Je ne sais pas encore ce qui se passera ensuite.

Les ateliers trouvent naturellement leur place sur EcrireClair.net. C’est chaque fois, créer une proposition, trouver les éléments qui entraîneront les participants dans l’écriture, des déclencheurs qui vont les pousser à explorer des facettes de l’écriture qui enrichiront le reste de ce qu’ils écriront, après l’atelier, et quoi qu’ils écrivent. Je trouve ça passionnant. Et voilà pourquoi, et comment, les ateliers d’écriture.

[MAJ, rapport à ce dernier paragraphe] Suis pas sûr d’avoir la moindre idée de ce que les participants prennent et gardent de l’atelier… Mais ce que je sais c’est qu’il est bien question d’écriture, et de ce qu’on peut faire chacun avec les mots.

En photo, la plage d’Arromanches, pendant la formation d’animateurs d’ateliers d’écriture à la Villa la Brugère, juin 2021

10 réflexions sur “Pourquoi les ateliers d’écriture”

  1. Bravo ! C’est pas évident de se confier ainsi et de passer au « je »… Et merci, d’abord de mettre des mots sur ce parcours particulier, parce que – tu le sais aussi bien que moi – faire témoignage compte, on ne sait jamais qui nous lira et parfois, un jour, ça pourra changer la vie de quelqu’un ; ensuite, parce que j’ai eu l’insigne honneur (ça fait trop pompeux, hein 😉 ), mais surtout le grand bonheur d’être là pour ce premier atelier (pour le 2ème aussi, et inscrite pour le 3ème) et oui, c’était une vraie proposition, quelque chose d’original, spontané mais réfléchi quand même, et d’inspirant… Tous les participants ont senti qu’il se passait quelque chose… avoir eu la chance d’avoir eu des profs, des formateurs inspirants fait de nous de meilleurs « passeurs » parce qu’on cherche avec ce souvenir une sorte de « formule » différente et qui soit la nôtre en même temps, et c’est souvent le point de départ pour trouver… Longue et belle route pour tes ateliers !

  2. Un parcours un peu similaire. j’ai commencé les ateliers d’écriture avec Olivier Targowla publié chez José Corti, j’ai continué avec d’autres moins convaincants et aussi une formation à l’animation d’ateliers avec AA de l’Aleph (pas complètement en phase avec AA). Dans les années 2000, j’ai commencé à traîner un peu sur le site de François Bon parce que je lisais ses livres. Une formation à l’écriture biographique en 2015 (je croyais avoir envie de devenir biographe)et la découverte des ateliers en ligne de François Bon en 2017 que je n’ai plus jamais quittés et que j’ai vu évoluer vers plus de retours, plus d’échanges entre participants et qui restent toujours passionnants par ce parti-pris de faire découler le fond de la forme. Moi ça me permet de renouveler mon écriture et d’explorer des sujets vers lesquels je ne serais jamais allée. Sûre de continuer et d’allier simplement exercices d’ateliers et projets personnels, car le souci est bien là : comment trouver son autonomie à partir des ateliers ? L’ambitieux projet de l’année 2020-2021 « faire un livre », quelle belle idée !

  3. Martine WOLLENBURGER

    Merci Sébastien pour ce partage de parcours, d’envies, de plaisir et d’idées. J’aime beaucoup découvrir des auteurs avec des parutions récentes dans le cadre d’un atelier. Vais m’inscrire à ton prochain atelier.

  4. Merci pour ton témoignage, tes doutes et tes hésitations, les questions qui font avancer bien plus que les réponses … C’est tellement précieux de ne pas se savoir seul(e) à patauger dans tout ça !

  5. Merci pour les deux ateliers proposés. Un régal. Mais il faut peaufiner les textes maintenant ne pas les laisser à l’état brut. Un travail. Bonne continuation des projets

  6. Belle idée que d’expliquer pourquoi animer des ateliers d’écriture. Publier ça sur son blog, je vais pomper… Merci de ce partage d’expérience. Même incontounable que toi à l’origine de ma pratique Tous les mots sont adultes.

  7. Revenir aux temps bénis où l’Education Nationale, et plus particulièrement l’Académie de Versailles et Patrick Souchon, offraient aux profs qui acceptaient de se ‘former’ sur leur temps personnel, des ateliers au long cours avec François Bon, plusieurs années de suite, séance après séance entendre les voix, se remettre en cause -parfois violemment – et y revenir et avoir encore peur, et avoir l’impression que c’est nul, que les autres c’est mieux, et y revenir, y revenir encore. Et y être encore

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