Démarrer. C’est toujours ça qui est compliqué. Des retards à l’allumage, une incapacité à s’engager, comme au point mort, trop longtemps, trop souvent. Un peu amorphe. Il aurait fallu que je démarre au quart de tour et que je me jette en avant avec voracité. J’ai compris le message. Je suis rentré à la maison. Ses placards étaient vides. Elle avait décroché du mur du salon le portrait de sa mère et ça laissait un rectangle un peu plus foncé sur la cloison. Je me suis enfoncé dans mon fauteuil, face à la fenêtre. Et puis, j’ai remarqué sur la table basse, dans la pièce impeccablement rangée comme elle aimait qu’elle soit, mais débarrassée des bibelots qu’elle avait rapportés de ses voyages autour du monde, son tout dernier cadeau, son tout dernier message. Cette paire de câbles de démarrage, flambant neufs, encore dans leur étui : je n’avais plus qu’à me lancer.
Aujourd’hui débute le temps du carême. Temps pour écarter le surplus et renforcer la sobriété heureuse indispensable pour l’avenir heureux de notre planète. Temps aussi pour recharger nos batteries mises à mal par des événements internationaux déprimants. Pour ceux qui croient en Dieu, le câble de démarrage est à brancher directement sur Dieu. Nous avons 40 jours pour en trouver le moyen.
Câbles de démarrage. Toujours en conserver dans son coffre. On ne sait jamais, il faut être prêt à tout. Charles est un prévoyant compulsif. Son garage déborde d’outils, son garde-manger, de provisions, sa pharmacie, de médicaments. Quand il entend sur sa radio que la guerre nucléaire est une option envisagée, son sang ne fait qu’un tour. Comment bricoler vite fait un abri antiatomique dans son jardin? Il se lance dans des recherches sur internet jusqu’à ce que son téléphone s’éteigne. Son chargeur se révèle hors d’usage, fil malencontreusement sectionné hier en bricolant. Il n’en a pas de rechange. Quelle imprévoyance!