Je suis réputé pour ma salade. Une recette à moi, une spécialité. J’ai pris des mois pour la mettre au point, et c’est un succès à chaque fois renouvelé. On m’en demande la recette, et je la donne avec plaisir, mais personne ne la réussit comme moi. Tu as un ingrédient secret me demande-t-on ? Non, je réponds, non. Pas de secret. Mais un tour de main inimitable. Une méthode que je ne partagerai pas. C’est une histoire d’olives. Des olives dénoyautées, des olives vertes, que je recommande de hacher à la dernière minute et de jeter sur la salade au dernier moment, et ça relève le tout, évidemment. Mais jamais, au grand jamais, je n’avouerai l’astuce, sauf ici, sauf aujourd’hui. Pas question de hachoir, pas question de couteau sur la planche à découper, pas question même d’olives dénoyautées, non, les olives, je les dénoyaute moi-même. Avec les dents. Je crache le noyau d’un côté, et l’olive écrasée de l’autre. Et c’est parfait, inimitable, la touche finale de ma salade.
Cesar est un bon guerrier qui combat sans regret. Mais quand il fait une salade pour ses invités, il y mets tout son amour : c’est la clé de sa réussite. Comme le pélican dont les petits arrachent de son bec la nourriture, il mastique les olives, secret de sa salade.