J’ai une fois proposé à un philosophe de couper le saucisson pour l’apéro. Tout un programme. Pour en finir, il faudrait savoir par où commencer, me lança-t-il. La saucisse sèche, absolument symétrique, n’offre pas de prise privilégiée. Pas de début, pas de fin avant qu’on décide quel est le début, et par là même la fin. La saucisse sèche nous dit quelque chose du sens de la vie sans qu’on comprenne bien quoi. Cet ami philosophe a failli nous éclairer au troisième whisky alors même qu’il avalait la dernière tranche. Je sais… Mais la révélation est parfois fugace, il n’en reste bientôt rien. Et si il avait touché du doigt la réponse à ses questions, le philosophe s’est finalement muré dans un silence dubitatif à peine interrompu par les lampées d’alcool qu’il s’envoyait, espérant retrouver la fulgurance qui l’avait trahi. Mais rien, malgré les 42 degrés du pure malt, rien. Quel que soit le bout par lequel il essayait de prendre les choses. Nous sommes passés à table.
Les saucisses sèches de l’archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches ? Première question qui se pose pour préparer l’apéritif. Ensuite, après avoir aiguisé le couteau et posé la saucisse sèche sur la planche, la découpe peut commencer. Le petit bout pointu permet de vérifier le goût et de contrôler le parfum pimenté. Ensuite les tranches fines s’accumulent, jusqu’à la courbe. Le travail se complique. Comment faire ? L’archiduchesse sèchement fâchée peut ressasser sa chanson : chausse-trape, pardi !