Il y avait ce garçon de la montagne qui sentait le foin et le fromage de chèvre et c’était autre chose que les gars de la ville et leurs phrases à rallonge. Juste le langage des corps, les yeux perdus vers les crêtes, et l’ombre des valleuses jamais bien loin derrière. Il avait cette façon de ne rien dire de plus que sa présence et un équilibre fragile qui ne masquait rien des crevasses ni des gouffres. Les vêtements portés jusqu’à l’usure, les mains caleuses, la confiance. Il y avait ce refuge en montagne où je savais retrouver mes étés d’enfance au rythme du balancement des ombellifères en bordure des chemins creux. Depuis toujours, je savais le retrouver et le quitter. Il était toujours là à m’attendre lorsque je revenais. Nous grandissions ensemble jusqu’au jour inéluctable de la dernière séparation. Mais nous emporterions partout l’odeur des foins et l’ombre des valleuses.