Jeune, je m’éparpillais. J’ai pris de l’épaisseur, et j’ai éliminé le superflu. Vieillir me rend meilleur. Je suis moins sensible, plus sec, peut-être, concentré sur l’essentiel. Lorsque le nombre d’années à vivre diminue, vous n’avez plus de temps à perdre : le nombre de chances diminue, c’est mathématique. Le nombre d’occasions se fera de plus en plus rare. Il reste une marge d’incertitude, mais la dernière soirée se rapproche, le dernier matin devient envisageable. Je pourrais me contenter d’attendre que ça arrive, mais il reste un ou deux rêves à réaliser, une ou deux actions à entreprendre, une ou deux expériences qui valent le coup d’être tentées. Il n’y en aura plus beaucoup. Des livres à lire, des femmes à conquérir, des plats à goûter, des gens à qui tendre la main, des textes à écrire, des enfants à serrer dans mes bras. Je me concentre sur l’essentiel.
Hier j’ai pris un café avec des malades psychiatriques et l’un d’eux me dit soudain : Christophe, je sais ce que je veux faire plus tard, être comme toi. Faire partie de plein d’associations et accueillir chez moi des personnes handicapées. Quelle surprise, alors que mon teint devient rougeâtre, que je me ratatine et commence à ressembler à une mimolette vieillie, l’odeur en moins. Cette déclaration a permis de discuter de la solitude, véritable enjeux des personnes différentes. Leur slogan est : viens t’asseoir à côté de moi. Essayons de le faire.