Il faisait de moins en moins souvent semblant d’aller bien. Quoi qu’incapable de prévoir la veille son état du lendemain, il se savait suffisamment robuste pour affronter n’importe quelle situation sans enjeu. Ce n’était pas suffisant pour la revoir. Pas encore. Il craignait que cela le bouscule, et si le moment était mal choisi, il éprouverait les pires difficultés à s’en remettre. L’envie ne lui manquait pas, pourtant. Il désirait sa présence et, à tout considérer le plus sereinement possible, il avait des questions à lui poser. Mais il lui fallait attendre encore. Peut-être qu’il serait trop tard. Peut-être qu’il était déjà trop tard, que trop de mal avait été fait, que plus rien n’était réparable. Cela lui broyait le cœur mais il n’avait pas le choix. Il ne pouvait pas prendre le risque. Il en avait déjà trop pris. Il avait commencé à reprendre quelques activités, mais c’était moins qu’il avait jamais fait. Quelques jours de travail, à peine. Cela lui demandait une telle énergie qu’il ne pouvait enchaîner les journées. La fatigue s’abattait sur lui en quelques heures et il ne pouvait plus voir personne. Les activités sociales étaient devenues infranchissables. Il semblait absent au milieu des conversations. Il était parfois absent à lui-même dans la solitude. Alors, la revoir ? Pas encore. Pas tout de suite. Elle ne le reconnaîtrait pas, et, vaincu par l’émotion, la fatigue, il ne saurait pas se conduire comme il conviendrait ni dire ce qu’il faudrait. Il devait attendre, encore. Jusqu’à quand ? Y aurait-il un moment opportun ?
