Site icon Sébastien Bailly

Ce qui survit

Quand tu es mort, quand tu t’es vu mort, quand tu l’as souhaité, qu’est-ce qui survit ? Qu’est-ce qui revient des bas fonds ? Qu’est-ce que tu es au retour du voyage ? Pas le même, assurément pas le même. C’est une maladie qui t’a entraîné au plus bas. C’est une maladie pas si différente des autres qui t’a fait frôler la mort. Peut-être qu’on oublie ça, quand on te regarde, mais tu as frôlé ça. Tu remontes doucement, et tu sens encore longtemps les fils qui te relient à ce qui a failli te tuer. Ce ne sont pas des mots, c’est une émotion qui met encore les larmes aux yeux, six mois après la plus grosse crise, huit mois après la première crise de panique.

Qu’est-ce qui est revenu de la mort regardée en face ? C’est quoi, le bonhomme maintenant ? Est-ce qu’il est possible de remonter en selle comme si de rien ? Est-ce qu’elle ne sera pas toujours là, la douleur fantôme ? Rien de grave, rien qui mette à nouveau la vie en péril, juste un poids qu’on traine et pour toujours. Qu’on traine et qu’on oubliera peut-être parfois, que les autres oublieront. Ce n’est pas une faiblesse, c’est une force. Quand l’autre tourne vers toi des yeux embués, tu comprends mieux. Tu n’as jamais aussi bien compris les fêlures. Tu n’as jamais été si humain.

Assumer ce passage. Vivre avec ce qui s’est passé autour. Et ça n’a pas été propre, pas joli joli, pas de quoi se vanter. Pas la peine de revenir dessus ? J’ai dit ce que j’avais à dire. Sont venus vers moi celles et ceux qui savent, sont restés près de moi celles et ceux qui comprennent et qui m’aiment. Faire le deuil des autres ? Ce qui est mort, là, pour de bon, alors que pour toujours mes bras resteront ouverts à la réconciliation. Le froid qu’ils ont laissé derrière eux, ceux qui se sont détournés.

Assumer le bonhomme qui sort doucement de l’eau. Ce ne sera pas toujours facile. Avoir traversé la nuit. Savoir d’autres nuits possibles. Regarder celles et ceux qui sont restés immobiles sur le rivage, celles et ceux qui t’ont poussé dans le noir, celles et ceux qui t’ont aidé aussi loin que leurs forces leur permettait (merci, je sais la difficulté que c’était), celles et ceux qui sont toujours là, celles et ceux qui reviendront. Il est toujours possible de revenir.

Ce qui survit ? Des bras ouverts. Et la sincérité.

Beaucoup de choses sont mortes pour de bon. Je les pleure chaque jour, littéralement, et ce n’est pas grave. On n’est pas contraint au bonheur total. On peut accepter la douleur. Et ne pas faire semblant.

Il reste écrire. Ecrire ça, et tant d’autres choses. C’est ma chance.

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