Avec son roman L’Homme-dé, Luke Rhinehart écrit l’autobiographie fictive d’un psychiatre qui découvrirait cette nouvelle règle de vie : se soumettre aux choix des dés pour décider ce qu’il doit faire. Je découvre l’ouvrage après la parution d’Eno, la chasse aux rastacs où j’imagine une société régie par des tirages à pile ou face. C’est dire avec quel intérêt je me suis plongé dans la lecture des 500 pages du romancier américain.
Le système, enfin, s’applique essentiellement aux individus, avec l’ambition de déconstruire leur moi et de les amener à endosser des rôles auxquels ils n’auraient pas eu accès sans l’influence hasardeuse du dé. La société dans sont ensemble n’est pas modifiée, les règles restent en place, même si elles sont ébranlées, sauf dans des centres spécialisés dans la vie sous la coupe des dés, et dans la fondation qui, tant bien que mal, les gère.
Là où le livre prend tout son relief, c’est lorsque le narrateur raconte comment il est écrit. Sous l’influence des dés, forcément. Et la mise en abyme est plutôt réussie : c’est le dé qui déciderait ce qui est raconté ou non. Et comme l’on sait que le dé peut ordonner à son sujet de mentir ou non, on en conclut qu’il pourrait en être de même pour le narrateur en tant qu’écrivain. Rien du roman, alors, n’est à croire, tout est suspect. Ce qui, pour un roman, est la moindre des choses.
On pourrait lorgner du côté des plus grand écrivains américains. On n’en est pas là. L’effet d’une construction hasardeuse, peut-être, ou d’un style changeant au gré des tirages de dés. Mais le roman, qui attend toujours son adaptation cinématographique, n’en est pas moins devenu un livre culte.
L’Homme-dé est de la littérature résolument adulte aux scènes sexuelles plus qu’explicite. Car c’est dans ce domaine que pour le narrateur le dé à le plus d’importance. Il est psychiatre, et va déconstruire et livrer sa vie sexuelle au hasard. Ce n’en est pas un si le livre fit scandale.
Reste un livre culte. Qui fait écho à bien des interrogations lorsqu’on commence à s’intéresser d’un peu plus près à l’art de tirer à pile ou face.
L’homme-dé de Luke Rhinehart est ressorti aux Editions de l’Olivier en mai 2014.
Le roman a notamment inspiré la chanson Such a shame, de Talk talk, que je réécoute depuis d’un autre œil.
http://www.youtube.com/watch?v=zbZ9uCQW1Hk