8/3/22
Avoir à portée de main plus de livres qu’on ne pourra jamais en lire. Aucun frein puisque sur un site pirate accessible à tout un chacun on peut en télécharger jusqu’à cinq par jour sans se créer de compte. Une recherche, un clic, et le fichier est sur le disque dur, lisible à l’écran et disposant de toutes les fonctionnalités moderne : recherche en texte intégral, copie, surlignage, annotation… La profusion a quelque chose de paralysant. Par où commencer quand d’un coup tout est possible ? Continuer malgré tout à acheter trop de livres aussi. On n’en sortira pas.
9/3/22
Bonheur qu’il y a à n’avoir pas lu certains livres : c’est comme une promesse non encore tenue et la confiance qui l’accompagne. Hier soir, c’était La Salle de bain, de Jean-Philippe Toussaint dont je découvre les paragraphes numérotés, et l’absurde absolu. Je n’ai pas vu le film, non plus. Et je ne regrette rien. D’aucuns culpabilisent mais impossible d’avoir tout lu, et “ce qu’il faudrait avoir lu”, comme un reproche permanent. Il y en a trop, et trop peu de temps, de moins en moins de temps, et l’on sait un jour que certaines promesses ne seront pas tenues. On s’en excuse auprès des auteurs. Tout n’est plus possible. Ce n’est pas grave. Ce qui aura été lu, ce n’est déjà pas si mal.
10/3/22
La vie d’un livre a un début, qu’on peut dater de la première idée eu, du premier mot écrit ou, au moins, du jour de la sortie en librairie. Et, on en fait moins de publicité, une fin. Reçu hier par mail la proposition de racheter à bon prix le stock de mon récit “Les Miraculées”. Le livre a plutôt bien marché mais l’éditeur décide que c’est fini, merci, plus rien à voir. Si je refuse, un grossiste en voudra peut-être. C’est comme ça qu’on retrouve parfois des livres dans les stations-services, sur l’autoroute. Ce livre est important, il dit des choses importantes, et surtout aujourd’hui, surtout quand la guerre est à nouveau là, en Europe. Je vais racheter le stock. Et aussi demander à récupérer mes droits. Parce que pas de raison que l’éditeur en reste propriétaire s’il n’exploite plus l’œuvre. Après on verra. Mais ne pas laisser mourir le livre comme ça. Pas celui-là.
12/3/22
Gros souci de régularité de lecture et d’écriture. Impression de courir après le rythme qui était trouvé depuis quelques mois. Il suffit d’un week-end hors norme et d’un peu plus d’attention professionnelle pour que la mécanique se grippe un peu. Pas encore dépassé, mais je vois que les entrées du journal sont moins régulière, je sais les temps de lectures plus épars, plus fractionnés, et les temps d’écriture plus contraints. Pour le coureur à pieds ce moment doit être un classique : on s’essouffle un peu, on perd son rythme, on a juste regardé à droite ou à gauche au lieu de rester concentré, et il faut des efforts pour reprendre sa foulée. J’en suis là. Éviter le point de côté, revenir aux fondamentaux. Avancer.
13/3/22
Préparation de l’atelier d’écriture du 15 mars. Le rythme depuis juillet est d’un atelier d’écriture en ligne par mois, et je m’impose chaque fois du neuf : une proposition inédite, pas vue ailleurs, pas déjà faite. La proposition d’écriture est en elle-même une démarche créative et nait de mes lectures, voire de mes souvenirs de lecture. Elle m’oblige à lire, elle m’oblige à penser, elle m’oblige à construire. Et elle m’oblige, vis-à-vis des participantes (et des quelques participants) à ne pas décevoir : que l’amorce d’écriture soit à la hauteur des précédentes, car il y a des fidèles qui reviennent et si c’est ça, c’est que les ateliers d’avant leur ont plu. Chaque fois je me demande quelle idée je trouverai pour la session suivante. Depuis juillet, je trouve. Et si la source des idées se tarissait ?
14/3/22
Découvrir la disparition d’Un livre blanc, de Philippe Vasset. L’ouvrage n’est plus disponible, ni en version papier, ni en version électronique. Un livre blanc, c’est un bouquin important : Philippe est allé à la découverte des zones blanches de la carte, physiquement. Là où la carte ne dit pas ce qu’on va trouver. Dans Un livre blanc, il y a le récit de ses expéditions, et des cartes reproduites. Philippe dit le monde qui nous entoure. Peut-être que depuis 2007, les zones blanches ne sont plus les mêmes, mais d’autres sont là. C’est le mystère à portée de main et la littérature qui se coltine le monde. J’ai fini par retrouver mon exemplaire (mes livres sont assez mal rangés). J’ai relu. Il faudrait que ça continue à vivre… Autant que je me souvienne, en 2007, une belle soirée autour de ce livre, lecture au théâtre et dîner ensuite, pas loin, avec l’auteur et son éditrice. C’était bien, ça, aussi. Les zones blanches ne l’ont pas toujours été.