Site icon Sébastien Bailly

Journal – juillet 2024

1er juillet

Et maintenant, on fait quoi ? La question se pose à chacun, avec les moyens à sa disposition. La question n’est pas le bilan de ce qu’on a fait jusque-là, ou pas. La question est : que fait-on maintenant ? Et que fera-t-on la semaine prochaine ? Dans un pays qui est prêt à mettre l’extrême-droite au pouvoir. On a oublié, ou on ne veut pas se souvenir. J’écris quoi, dans ce monde-là ? Je raconte quelles histoires ? Cela sert à quoi de savoir écrire face à l’extrême-droite ? Peut-on faire comme si de rien ? Je ne crois pas. Surtout des questions pour ce journal. J’en parlai samedi, avec un qui a de l’audience, beaucoup, et qui prend position. Cette impression que ça ne sert à rien. J’ai l’impression que plus rien n’est audible. Peut-être est-on allé trop loin dans le désespoir. J’ai vu ce qu’étaient capable de faire des gens aux intentions louables par bêtise et incompétence : une catastrophe. Alors d’autres, à d’autres échelles, bien plus dangereux, le mal qu’ils vont faire. Et aux plus faibles. On fait quoi pour éviter le pire, au point où on en est ?

2 juillet

Je me souviens de toutes ces discussions que nous avons eues qui se terminaient par : « c’est difficile de juger, personne ne peut savoir ce qu’il aurait fait pendant la guerre »… J’ai l’impression qu’on commence à en avoir une petite idée, et que ça risque de se préciser encore…

3 juillet

Le livre que j’écris n’est pas celui que je crois écrire : il faut faire confiance au texte. C’est difficile : je suis entrain d’écrire un livre. J’ai une intention, je crois savoir où je vais. Viens un moment où ça bloque, ça n’avance plus, ça manque de cohérence, c’est banal, ça patauge un peu. Je me décourage. Je pense que je ne vais pas y arriver Je n’y arrive plus. Et je ne vois pas de solution. Je perds confiance. Je ne devrais pas. Il faut insister. Le texte va trouver son chemin, il est assez fort pour ça, et je ne me l’explique pas : il va redémarrer, il va prendre forme, il va gagner. Je ne peux pas dire comment, ni pourquoi. Comment, si, en arrêtant d’écrire, et de faire quoi que ce soit. En écoutant, en lisant. Une idée va s’imposer. Une bifurcation, un rebond : le texte est bien là, mais je ne fouillais pas au bon endroit. C’est lui qui décide. C’est compliqué à expliquer. Et on ne verra pas ça, à la fin, mais ça marche.

4 juillet

J’étais hier place de la République. Il s’agissait de manifester contre l’arrivée de l’extrême -droite au pouvoir. Dire notre attachement à la démocratie et aux valeurs de la République. Une foule dense. Sur la statue qui en a tant vu, trois femmes en Liberté guidant le peuple, dans un drap blanc, un sein visible, brandissaient le drapeau tricolore. Tout un symbole. Perché au dessus, deux militant agitent le drapeau palestinien. Ni le lieu, ni le moment. Bien plus indécent que le sein visible des Libertés. Il sera temps, après, de reparler de la Palestine. Mais hier, aujourd’hui : lutter ici contre l’arrivée du fascisme.

5 juillet

Lorsqu’on signe un contrat en tant qu’auteur, en France, on signe pour toujours. Les droits sont le plus souvent cédés pour la durée de la protection du droit d’auteur (pendant la vie de l’auteur et 70 ans après sa mort). À mon échelle, lorsque j’ai signé chez Fayard, pour mes livres dans la collection 1001 nuits, j’ai donc signé pour toujours. Depuis, Fayard a changé de mains. Certains de mes livres peuvent être considérés comme des best-sellers : plus de 30 000 exemplaires vendus. Si ils sont toujours exploités, et c’est le cas au moins au format numérique, ils rapportent un peu d’argent à Fayard, très peu, à vrai dire, mais la question que je pose ici est une question de principe : ça rapporte quelques centimes à Bolloré, l’homme qui dépense une partie de sa fortune dans des médias qui soutiennent ouvertement l’extrême-droite. Parce que j’ai signé avec les anciens propriétaires de Fayard, me voilà petit ruisseau qui fait les grandes rivières qui irriguent le fascisme. Et je ne peux rien faire contre : j’ai signé un pacte qui se révèle une damnation. Est-ce qu’on ne pourrait pas imaginer une sorte de clause de conscience qui permette de casser un contrat d’édition en cas de rachat de la maison ? Ça me paraîtrait tellement normal.

6 juillet

Lire le premier tome du journal de Charles Juliet. Ce sont ses premiers pas. Totalement désespérés, totalement tendus vers l’écriture. Il est tout jeune et tellement de passages que je pourrais noter dans un carnet. C’est mon entrée en relation avec Charles Juliet, que je n’avais jamais lu. C’est fort. Son discours sur la femme date un peu (il est d’époque), mais, pour le reste, il m’envoie directement des uppercuts au cœur.

8 juillet

Discussion avec un auteur de romans historiques : on parle boutique. Routines d’écriture, difficultés, milieu de l’édition. C’est une soirée, et c’est comme si deux bouchers, deux plombiers, deux avocats se rencontraient. On cause des petites choses qui font les livres, on explique en coeur à un qui ne connait pas comment se passent les salons, les prix, la solitude de l’écrivain, les rencontres avec les lecteurs. Deux écrivains qui se rencontrent, ça ne parle pas toujours de littérature, mais, à un moment de la discussion, si : d’un blocage dans le manuscrit en cours et de comment le contourner. On s’échange des conseils qu’on ne suivra pas forcément. A la fin de la soirée, on a l’impression d’avoir partagé quelque chose.

9 juillet

Cette nuit, dans l’insomnie, l’envie de se servir de ce qu’il y a eu de plus sombre pour écrire. Le plus sombre, c’est ce que tu n’as pas encore dit quand on pense que tu en as trop dit. Le plus sombre, c’est l’indicible. C’est la dureté du diamant et le noir absolu. C’est la nuit aveuglante qui se replie sur elle-même. Et toi au milieu, habitant prisonnier de ton cadavre. C’est la porte qu’ils ont ouverte et maintenue ouverte sur le vide. T’y poussant. L’expérience qui ne se partage pas. Toi, aspiré vers l’intérieur de toi-même dans une chute sans fin. Ta tête maintenue dans la vase.

Le plus sombre, c’est là où la littérature aurait une raison d’être.

10 juillet

Lecture de Pharmakon d’Olivier Bruneau (Le Tripode). Les négations s’y passent du premier appui. Sur le mode : « il a pas mangé sa soupe », comme de plus en plus souvent à l’oral. « De toute façon » devient « toute façon », sans le « de ». C’est du monologue intérieur, le style est oralisé. Et ça donne une dynamique et une cohérence au texte. Ça intensifie les émotions. Ça densifie l’action. De petites choses, parfois, et ça fait vivre le livre.

11 juillet

Animation hier d’un webinaire, et mise en ligne aujourd’hui de la formation qui va avec sur une façon d’écrire un roman avec l’Intelligence Artificielle Générative. La démonstration fonctionne vraiment, et l’on obtient, à ce jour, un texte de bonne qualité. Relativement « plat » mais qui fonctionne, et un scénario tout à fait respecté. On a de quoi « produire » du texte de qualité commerciale, susceptible de se vendre et de trouver son public. Pas de la grande littérature, pas encore. Mais tout cela va évoluer, et mérite d’être suivi de près. Pour les auteurs, de nouvelles façons de travailler, et une concurrence bientôt rude…

12 juillet

Petit matin dans Paris. 6h30. Les rats s’égayent autour du petit square, où ils vivent, cachés dans les bosquets, le reste de la journée. C’est l’heure aussi où quelques hommes hagards, échevelés, qui sortent du recoin des porches, où ils dormaient. Déjà la bière à la main, pour certains, ils n’ont pas de destination précise. Il leur faut bouger.

13 juillet

Je ne les regarde pas avec pitié, ni dégoût. Je les regarde comme une version possible de moi, comme Michel, avec qui j’ai démarré ma carrière, et mort à la rue. Il sont nombreux, à Paris, et comme tout le monde un peu plus anonymes qu’ailleurs. Je sais la frontière si ténue entre ma position et la leur, et le glissement si rapide. Ils ont des sacs, des coins où dormir, et le plus souvent une canette ou une bouteille à portée de main. Il suffit de franchir le seuil, de traverser trois carrefours, et l’on se fait une place là. On n’a plus qu’à attendre. Finie la lutte. C’est la tentation de la rue. J’y imagine, comme dans toute solution apparente, un leurre. Celui-là ne semble demander que peu d’effort, au départ. mais pour quelle satisfaction ? Il faut vraiment qu’il n’y en ai plus ailleurs. « Un jour, je suis parti et je ne suis jamais rentré », m’a expliqué l’un d’eux, un soir. Je n’avais pas 20 ans. Je lui ai offert une bouteille avant qu’il reparte dans sa nuit.

14 juillet

Raté. Le tireur n’a pas eu Trump. Il n’avait pas de papiers sur lui, on attend les analyses ADN. On est dans la parenthèse où l’hypothèse du tueur voyageur temporel est encore envisageable. Un homme du futur venu tenter de sauver l’humanité d’une apocalypse si Trump gagne les élections et qui précipite la fin du monde en en faisant un héros. De nombreux films et romans sur ce thème. Mais nous voyageons tous dans le temps en permanence. Nous y voyons s’y dérouler un futur. Et, selon ce que ce futur nous inspire nous modulons nos actions. Sans jamais savoir si nous visons très bien.

15 juillet

Visite hier du Musée de l’histoire de l’immigration. De l’esclavage à aujourd’hui, des manifestations contre les travailleurs belges aux lois les moins accueillantes. Hier, 14 juillet, date symbolique où sont publiés les décrets de la loi immigration. L’incapacité de ce pays à accueillir comme il se doit les étrangers. Manque à ce musée une vision internationale qui permettrait de comparer avec l’Allemagne, avec la Grande-Bretagne, avec le Canada. On en ressort avec l’impression désespérante d’une absence de solution. Alors qu’en regardant ce qui s’est fait ailleurs, selon les périodes…

16 juillet

La moitié. Au début d’un projet, je me fixe ne longueur, une longueur minimale que le texte devrait atteindre. Je sais d’expérience les caps importants à franchir : 1/3, 1/2, 2/3. J’écris en comptant le nombre de caractères. Ça me reste de ma pratique professionnelle de l’écriture. Et hier, donc 1/2. C’est un cap important pour le lecteur, il faut relancer l’attention, réveiller parfois. En l’occurrence le chapitre qui marque la moitié du texte doit secouer un peu. Après, on commence à se rapprocher de la fin.

17 juillet

Fin d’écoute du podcast Bookmaker avec Laura Vazquez. Au micro de Richard Gaitet elle explique son trajet dans l’écriture, la façon dont elle écrit, sa routine quotidienne. La poésie, le roman, les textes un peu moins bons : pas grave. Les textes meilleurs : pas grave. Le retravail, énorme. Ce podcast où ça cause cuisine d’écriture est vraiment toujours passionnant. Et Laura Vazquez, en particulier.

18 juillet

On se rapproche des Jeux Olympiques et Paralympiques, et, sincèrement, je ne pensais m’y intéresser que de loin. Mais une proposition est tombée, et je l’ai acceptée, et je vais m’y intéresser de près. Je fais partie d’un groupe d’une trentaine d’auteur qui va écrire au quotidien pendant les épreuves. Des poèmes, sur les JOP. Le projet commence à me travailler un peu, parce que je ne sais pas du tout où je vais. Mon idée initiale : m’inspirer des règles du sport pour écrire. Mais il faut que je trouve les règlements. Des règles, c’est le point commun que je vois entre l’écriture et le sport. Qu’on les respecte ou qu’on ne les respecte pas, d’ailleurs : ce qu’on fait, on le fait par rapport à des règles. Alors, oui, prendre les règles, les confronter au réel du sport sur le terrain, et en faire des poèmes. On verra ce que ça donne. Et si ce n’est pas un peu complexe pour un travail quotidien (avec le roman à poursuivre, et les séances de coaching qui s’enchaînent plus vite que j’imaginais).

19 juillet

Il y a les maisons dans lesquelles on ne rentrera plus alors que, toute la vie, on s’y est cru chez soi. Des pages qui se tournent. Et quand c’est une page de plus de 50 ans, c’est une page un peu lourde. On charge la voiture de quelques derniers souvenirs, et l’on part pour la dernière fois. Je n’ai pas ce lien avec des maisons que j’ai habitées, mais avec la maison des grands-parents, celle des parents. Des maisons de souvenirs d’enfance, d’une période assez courte où l’on a cru à la permanence des choses, et que les étés reviendraient toujours avec les troènes, le chèvrefeuille, les rosiers. Les après-midi à tondre la pelouse sous le soleil. Tout ce qui n’aurait jamais dû changer et qui disparaît. Longtemps qu’on sait que c’est ainsi que les choses finissent. Mais c’était pour plus tard.

20 juillet

Hier, six nouveaux apprentis auteurs en coaching. Et quelques autres dans les jours qui viennent. Le tutorat va devenir une activité récurrente. Accompagner sur le chemin de l’écriture. Dans toute la variété des projets qu’on peut imaginer. Aider à écrire, conseiller, soutenir. Ce sera une quarantaine d’heures par mois, sans doute. Ça ne peut pas être beaucoup plus : il y faut de l’attention et de l’énergie. Ça prend un peu plus de place que je pensais. C’est ma vingt-cinquième année de formation autour de l’écriture. Et presqu’autant en plus que j’écris…

21 juillet

Je suis né à 55 ans.

22 juillet

Il faudrait ne pas raconter le rêve qui sort du sommeil tachycarde au milieu de la nuit. Il faudrait ne pas nommer les fantômes qui persécutent jusque dans les phases paradoxales du sommeil. Ils sont toujours là. Violents et imparables. Les chasser du jour, au moins, pour lui donner l’apparence d’une indifférence en cours d’acquisition.

23 juillet

Plonger dans quelques pages des Ecrits poétiques de Christophe Tarkos comme dans le flux ininterrompu d’un monologue fou. Du verbe qui s’enroule sur du verbe avec une clarté rare. Ca ne dit rien. Ou peu, ou pas ce que les mots disent. C’est un flux. Est-ce seulement lisible, au sens où on entend généralement qu’on peut lire ? Non, pas dans ce sens. C’est un objet toujours fascinant et inspirant : il y a là le monologue intérieur qui rebondit de mot en mot, se crispe et retourne une phrase jusqu’à presque la vider de sa substance, mais non : le non sens qui jaillit est souvent lumineux. Le langage, c’est à dire ce que nous sommes, ce qui constitue ce que nous sommes, en tout cas ce que je suis, en ressort essoré. J’en ressors essoré. Une expérience lorsque la lecture est si concentrée que le texte de Tarkos, par son rythme, hypnotise au point de prendre la place de mon propre monologue intérieur. Ce texte a souvent cette faculté là : prendre totalement ma place. Ce n’est pas facile à expliquer. Peu de textes ont cette force là.

24 juillet

Il y a deux ans, je m’interrogeais encore sur l’envoi du manuscrit de Parfois l’homme. Je n’étais pas sûr. J’hésitais. J’avais depuis plusieurs mois une dizaine d’impressions prêtes à l’envoi. Ce qui c’est passé en deux ans, l’acceptation du manuscrit, les montagnes russes professionnelles, et émotionnelles, la dépression et ses conséquences (la bêtise, nom de dieu, la bêtise humaine et son rouleau compresseur), la parution, le prix, les critiques positives et les rencontres… La déception est ineffaçable, les blessures ne sont pas cicatrisées, et beaucoup de choses sont mortes. Le petit succès du livre ne compense pas. Mais il aide un peu. Et la force des plus proches. Ça n’est pas le lieu d’en parler. Mais quelle force il a fallu. Il faut encore.

25 juillet

L’illégitimité qu’on leur a parfois inculqué et contre laquelle il faut qu’ils se battent. Ils savent qu’il leur manque de la technique puisqu’ils sont là, à vouloir apprendre techniques et ficelles. Il faut les pousser un peu, parfois beaucoup. Le système scolaire, la pression sociale, c’est un champs de mines. Ils décident de traverser, la peur au ventre parce qu’on leur a dit qu’ils n’étaient pas armés pour. Mais ils ont les moyens, sauf qu’on les a convaincus du contraire. Je les accompagne, je les encourage, je leur montre ce qu’ils ignorent déjà savoir. Et, si je peux, j’ouvre des pistes devant eux qu’ils n’avaient pas vues. Ils écrivent, j’accompagne.

26 juillet

La question du pardon. Je ne peux pas pardonner à celles et ceux qui, par incompétence et bêtise, ont insisté au point de faillir me tuer. Toute mon enfance ce « pardonne à celui qui t’a offensé ». Éducation chrétienne dont il reste quelques valeurs. L’idée que ma propre rémission passe par le pardon. « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Ce serait si simple. Oh, il s’agirait juste de cesser de leur en vouloir. Ce n’est pas pour eux que je les pardonnerais : il me semble qu’ils n’ont rien compris à ce qu’il faisaient, pas exprimé le moindre regret, pas le moindre remord (et ça n’aide pas). Ils n’ont, à ma connaissance, aucune prise de conscience du mal qu’ils ont fait. Si je les pardonnais, ils cesseraient peut-être de me hanter, et je pourrais passer à autre chose. Il faut plusieurs années, j’ai compris qu’il fallait plusieurs années pour qu’une forme d’équilibre, peut-être de sérénité, revienne. Si ça revient. Mais le pardon, en l’état, je n’y crois pas.

27 juillet

Poésie et sport : c’est parti. On fait quoi avec ce menu là pendant les JO ? Je mène trois chantiers de front. Les séances de coaching, l’écriture du roman, le poème quotidien autour des JO dans le cadre du projet Ecrire le sport. Tourner toutes mes journées autour de l’écriture, c’est exactement ce que je veux depuis toujours. Donc je prends et je profite des moments qui s’annoncent. Concentré sur l’écriture, c’est autant de temps de pris au reste. Et j’ai une bonne raison pour regarder les JO qui, d’ordinaire, ne me passionnent guère. Comment voulez-vous faire de la poésie avec ça ? Je tente de relever le défi, puisqu’on me l’a proposé.

28 juillet

Charles Juliet est mort avant-hier. Il était né pour moi au tout début du mois avec la lecture du premier tome de son journal. Période noire dont je comprends qu’elle conduit vers la lumière. Pourquoi avoir tant attendu pour le lire ? Que ce soit le meilleur moment, sans doute. (La chance qu’on a de n’avoir pas encore tout lu, quand on y pense). La tristesse que je lis dans les réactions de gens que j’apprécie. Je suis moins triste : je ne l’ai pas assez connu. Mais je sais déjà que ma tristesse sera rétrospective.

29 juillet

Lecture. Autoroute de François Bon. Reprise du texte de 1998. Écho à ce que je tente d’écrire en ce moment. Je ne pouvais pas ne pas revenir à ce texte. L’autoroute comme motif. La sienne est documentaire. Mais il s’agit toujours de fiction. Un classique, le livre de voyage. On ne va plus en Orient : le territoire est juste là qui se déroule, comme une histoire. Road book comme il y a des road movie. Mon autoroute me laisse pour le moment dubitatif. J’écris dans le doute. Sur l’autoroute de François Bon, ils roulent à deux et le dispositif se raconte en permanence, prend de la place (la caméra, la prise de note, la relation entre les deux). « Pas trop de littérature ». Mais c’en est tout de même. Et ma question, comment faire mon autoroute. Dans une vidéo récente, François encourage les auteur à chacun écrire leur livre d’autoroute. Le mien était déjà commencé.

30 juillet

Poursuivi dans la nuit par les fantômes que je chasse de mes journées. Réveillé non pas comme d’un cauchemar, mais dans la continuité du rêve, toutes les émotions là, terriblement rationnel et froid. Le souffle de la mort sur la nuque et n’en pas ressentir la moindre peur. Noter ce rêve est moins important que noter ce réveil nocturne, lucide et arithmétique : actions, conséquences. Rien qui paraisse dramatique. Et ça passe une fois rendormi, ça passe mais ça a été là cette nuit. C’est toujours là, poursuivant son œuvre.

31 juillet

Tiens, demain dans le journal, j’écrirai… j’ai pensé à un truc hier, je le sais bien. Mais quoi ? Je n’ai pas pris note sur le moment, et ce matin, rien. Peut-être demain, ou peut-être pas. Ce n’est pas plus grave sans doute de ne pas l’avoir noté que de l’avoir fait.

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