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La colonie de Caneilles, un lieu de fin du monde

Caneilles 1C’est au dessus de Saint-Lary Soulan, dans les Hautes-Pyrénées, quelques kilomètres à pied vers l’Espagne, un sentier dans la forêt, et une découverte inopinée : une quinzaine de bâtiments abandonnés, murés, épars.

C’est quelque chose comme une fin du monde. Au milieu de nulle part, des bâtiments tagués, aux fenêtres ici ou là ouvertes et dont on ne sait rien. Un lieu à fantômes, abandonné.

L’appareil à la main, on s’approche des fenêtres aux volets forcés, incertain : qui peut se cacher là, y vivre en douce, s’y être fait son nid ? Des gens sont bien passés, il y a des graphs à l’intérieur, des parpaings arrachés des portes murées, des vitres brisées, mais pas de traces visibles d’occupation. L’on n’est cependant pas rentré pour voir plus profond.

C’est de ces lieux qui ouvrent l’imaginaire. J’ai lu enfant ces romans de littérature scoute que mon père avait lu avant moi. Je verrais bien là, alors, le décor d’un roman de la collection Signes de piste. L’idée me surprend (un Club des 5 irait tout aussi bien). Plus moderne, on en ferait aisément un point de passage pour migrants s’en allant vers le Nord…

Les jeunes en vacances, ou ceux du coin, en ont fait vraisemblablement un terrain de jeu, si l’on en croit les graffitis à l’intérieur ou à l’extérieur. Il ne doit rester dedans que peu de choses de valeur, mais les brefs coups d’œil par les fenêtres battant à tout vents laissent à penser que tout n’a pas encore été arraché aux murs.

Quelques recherches sur Internet lèvent une part du voile. Il s’agit là de la colonie de vacances de Caneilles (c’est le nom du chemin que l’on a emprunté, le chemin de Caneilles), une colonie qui appartenait à la mutuelle générale des PTT. Des enfants ont pris là l’air de la montagne, ont randonné, se sont amusés. Il y a eu des disputes et des premiers baisers. Des parties de foot et des séparations en larmes à la fin de l’été.

 

Le lieu est disponible à la location pour le tournage de films. On trouve sur l’annonce qui propose un tel service d’autres photos. Parmi les détails, une date de construction 1961-1970, et la mention d’une cuisine, qu’on n’a pas vue lors de notre passage, comme un « lieu remarquable ». Quel film tournerait-on là ? Et l’on aurait fait du cheval ici.

Une recherche plus tard, c’est la découverte que l’ensemble est en vente : mise à prix 100 000 €. Une bouchée de pain pour « une quinzaine de petits bâtiments dont 8 destinés à l’hébergement ». Les détails sont ceux du genre :  2.076 m² de bâtiments, et 7.938 m² de terrain. Le prix au mètre carré est ridiculement bas, non ? Si l’on se limite aux bâtiment, ce n’est même pas 50 €… Qui dit mieux ?

Notez qu’à ce prix, la description fait rêver : locaux de restauration ou de jeux au rez-de-chaussée, des chambres, lavabos et WC communs à l’étage, bâtiments techniques permettant le fonctionnement de colonie, l’un abritant la chaudière à gaz, l’autre le compteur électrique, locaux divers de stockage ou maintenance du site. Si cela vous intéresse, l’annonce est là. On n’imagine pas le coût si l’on voulait chauffer ça l’hiver.

On n’est pas allé voir aux étages, mais les rez-de-chaussées semblent plein de promesses. Quelques travaux sont néanmoins à prévoir, et plus les rigueurs des hivers passent, plus ce sera le cas…

Finissons avec une carte postale, car il y en a eu une. Et l’on en trouve copie, ici ou là, sur le web. On y voit une partie des bâtiments, un véhicule, et tout le potentiel romanesque du lieu perdu dans la forêt.

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