Faut-il aussi repenser la façon de faire du journalisme ?
Cela
me fait mal de le dire, mais nous allons devoir changer notre mode
d’écriture. Il y a un type de phrase qui est mort. Je le regrette,
parce que je suis d’une génération qui aime ces phrases cicéroniennes,
c’est-à-dire une phrase construite, longue, avec des incidentes. Il
faut des phrases plus courtes. Mais surtout intégrer que tout accident
grammatical rend la phrase moins accessible. S’il y a huit ou neuf mots
après le sujet, eh bien il faut répéter le sujet. Les gens ne
connaissent plus beaucoup des mots que nous employons.Il faudrait donc appauvrir son vocabulaire et ses références ?
Oui,
car beaucoup de gens de moins de 40 ans n’ont plus les références
d’avant. Je reçois des lettres de lecteurs qui me disent qu’ils ne
comprennent pas tout ce que j’écris. J’avais parlé du boulangisme, en
référence au général Boulanger, ils pensaient que j’évoquais un
pâtissier. J’ai écrit : "C’est une division du monde à la Yalta."
Mais qui sait encore ce qu’est Yalta ? Je suis catastrophé que les
jeunes ne connaissent plus l’histoire, mais il faut bien en tenir
compte. Les journalistes sont furieux qu’on leur dise cela. Mais on ne
doit pas faire comme les marxistes qui décrivent la réalité comme ils
voudraient qu’elle soit, il faut s’adapter à elle.
C’est Jean-François Khan, dans Le Monde daté du 5 janvier 2008. Il ne parle pas d’écriture Web, mais d’écriture journalistique. Et il se trouve qu’on ne dit pas autre chose en formation depuis un bon moment déjà