Mars 2007. Je me connecte à Twitter. 2008 je donne mes premiers cours sur le sujet en école de journalisme. Juste après, la Ligue du LOL commence à sévir sur les réseaux sociaux, et malheureusement ailleurs. Chance ou pas, à ma connaissance, aucun des étudiants que j’ai vu passer n’en fait partie. Je leur ai dit clairement, déjà, que tout ce qu’ils diront là pourrait être retenu contre eux, que ce n’est pas une zone de non droit. Ceci peut-être explique cela.
2008, 2009, 2010… je ne suis pas Parisien. Journaliste, sur les réseaux (plutôt deux fois qu’une) mais en Normandie. Rouen. On se retrouve pour des « twittparty« , hommes, femmes, on boit des coups (et on devrait le refaire parce qu’on en parle tous avec nostalgie). La première a lieu le 23 juin 2009 (donc on pourrait bientôt fêter les 10 ans). Les liens qui se nouent sont fort, et si il y a clash, c’est parce qu’on n’est pas d’accord. Et si l’on rit, c’est ensemble.
C’est aussi le sujet de l’humour qui est posé. La Ligue du LOL, ce serait littéralement pour mourir de rire. Alors, quoi ? Ils nous auraient volé ça, aussi, en plus de réécrire l’histoire de Twitter en laissant croire que ça n’existait pas avant eux, que ça n’existait pas sans eux, qu’on ne pouvait pas en faire autre chose. (Mais on peut en faire des tas de choses formidables, on en fait ce qu’on est).
L’humour, et la méchanceté. C’est lié, fortement. On aimerait que non, mais on rit de l’autre. Avec ou contre lui. On a le choix. Du moment, de la façon. On a le choix du contexte et la même vanne ici passe qui ferait se hérisser ailleurs. Avant de rire ensemble, on s’assure d’être ensemble, et rien n’empêche alors de rire l’un de l’autre. Et réciproquement.
Rappelons-nous les notes sur le rire de Marcel Pagnol. Il existe pour lui deux sortes de rire :
Le premier, c’est le vrai rire, le rire sain, tonique, reposant :
Je ris parce que je me sens supérieur à toi (ou à lui, ou au monde entier, ou à moi-même). Nous l’appelons rire positif.Le second est dur, et presque triste :
Je ris parce que tu es inférieur à moi. Je ne ris pas de ma supériorité, je ris de ton infériorité. C’est le rire négatif, le rire du mépris, le rire de la vengeance, de la vendetta, ou tout au moins, de la revanche.
Ce n’est qu’une définition du rire possible (et pas la meilleure, mais tout de même… Pagnol). Mais c’est une définition assez clairvoyante d’un certain rire à la Française, dans lequel ne rentrent pas l’ironie, ni l’absurde. C’est une distinction qui s’applique bien à la Ligue du LOL. Ce rire dur, méprisant, supérieur. ce « rire de la vendetta ».
Ce rire-là fait des victimes. Ce rire-là blesse. Et les récits nombreux des victimes de la Ligue du LOL sont glaçants. Car ce n’est plus seulement rire, c’est rire contre. Encore, et encore. Rire aux dépends.
Il ne faudrait pas que la Ligue du LOL, que les rieurs méchants, que les blagueurs gras nous confisquent l’humour. Rire, on peut toujours. Et se laisser aller, ensemble, à l’ironie, au jeu de mot, au calembour, à l’absurde, au zeugme. Car on n’a que l’humour pour dire l’absurdité du monde, la faiblesse des forts. Car on n’a que l’humour à s’offrir en partage à l’heure du grand voyage.