C'est une question très personnelle. René Barjavel, je l'ai lu au collège, peut-être fini au lycée. Pas de souvenir précis de la date de sa mort, mais, collégien, je suis allé au bout de ma rue, dans ce qui était une librairie maison de la presse pour qu'il m'y signe quelques livres parus en Folio. En 1983 ou 1984. Je n'ai jamais plus eu, je crois cette attitude de groupie, ou, au plus près, moi-même invité d'un salon du livre, bénéficiant de dédicaces de mes pairs du moment, beaucoup plus tard. René Barjavel était là, derriére une table, dans cette boutique devant laquelle je passais deux fois par jour pour aller au collège et en revenir. Cheveux blancs, souriant, il a dû me demander mon nom, signer mes trois Folio, dessiner ces soleils qu'il dessinait dans ses dédicaces. Il y avait peut-être La Nuit des temps, Ravages, et celui sur les voyages dans le temps. Je n'ai lu sans doute ses autres livres qu'après cette séance de dédicace. C'était le premier "vrai" écrivain. Les autres étaient de la famille, publications confidentielles, poèmes à compte d'auteur : rien qui justifiât l'émerveillement (et pourtant, en y repensant beaucoup plus tard… Mais écrire semblait alors si naturel à tant et tant). De René Barjavel, il ne reste pas beaucoup plus que ces quelques livres signés, quelque part dans ma bibliothèque. L'etudie-t-on encore au collège ? Passé de mode, sans doute. On finira par l'oublier totalement. Je me souviens avoir été surpris qu'il écrive d'autres livres. Ma mémoire me fait défaut sur les titres, mais il y avait du roman plus traditionnel, et même de la philosophie, ou de la métaphysique, apte à intéresser un adolescent commençant à s'interroger sur le sens de la vie. Digéré tout cela, et depuis longtemps relégué au rang des lubies folkloriques de la sortie de l'enfance. René Barjavel, premier vrai écrivain souriant à cheveux blancs. Première et sans doute dernière queue derrière des lecteurs heureux s'approcher le grand homme. Et, presque trente ans plus tard, le flou des souvenirs : il ne reste de René Barjavel que des clichés jaunis. Relire ?