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126 – Écrasé

Va donc trouver sur le gros paquet grinçant de chagrin qui te broie les reins une date limite de consommation au-delà de laquelle l’amertume passerait et l’acidité ne serait qu’un souvenir oublié. Pas de péremption pour la tristesse dont tu traînes des sacs ? Ça s’alourdit des contrariétés minimes, des disputes anodines, des absurdités sans conséquences. Le silence est insupportable, la musique inaudible, le bruit intempestif. Tu as perdu le rythme. Et sur tes épaules s’accumulent les heures sans sommeil, les rêves sans saveur, les suées nocturnes. On te recommande de laisser le temps faire son travail : il creuse plus profond tes blessures. Tu aimerais dire la joie. Tu te satisferais d’un peu de gaité. Tu accepterais une amnésie partielle. Même courte. Au moins t’arrêter, poser ton sac, souffler, t’asseoir au pied d’un arbre, attendre. Cicatriser. Tu ne peux pas. Tu pousses toujours un peu plus loin ton fardeau. Cahin-caha. Ça ne s’arrêtera donc jamais de bringuebaler ? Tu troquerais tout contre n’importe quoi de plus léger. Des remords te sembleraient plus faciles à porter que la somme des humiliations, des injures et des indifférences. Tu plaiderais coupable s’il y avait la moindre raison. Tu donnerais ta vie pour un sourire. Ta vie. Ce qu’il en reste. Bientôt tu auras disparu sous les ballots de suie qui t’empoissent, écrasé par le poids de ta misère.

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