Rouge sang trafiqué à la retouche de l’image, la fraise se ramène, pauvre en sucre, mais riche des promesses de l’été qui s’annonce, et ce seront bientôt celles qu’on cueillera en plein soleil gorgées de saveurs et tiédies par un début d’après-midi caniculaire. Alors, parce que je ne peux pas attendre, je me rabats sur la déception prévisible des premières gariguettes : oh, des fraises, déjà ? Mais ce n’est pas la saison… Je n’ignore rien des serres chauffées au fioul et du printemps artificiel qu’il faut pour que les fleurs, puis les fruits, sortent avant l’heure emplir les rayons. Je le sais, et je m’en moque. Ces premières fraises, un peu acides, un peu farineuses, un peu décevantes… Ces premières fraises, quels que soient leurs défauts prévisibles n’en sont pas moins les premières fraises, et l’espoir renait : l’été viendra, l’été est presque là, il pointe le bout de son nez rougi par le froid, et il ne nous décevra pas.
Ma fraise est rouge. Anita ne cesse de me faire remarquer mes joues rouges. Un peu de couperose sans doute. Faute de soleil, les fraises du magasin ont besoin de colorant. Le rouge est une valeur mal partagée, il disparaît même en politique.
Des fraises à Pâques! Et à la Trinité que mangerons-nous? Des marrons chauds pardi! Se moquer du climat, oublier les saisons, traiter la terre en esclave devant assouvir toutes nos fantaisies sans broncher. Et justement, broncher, il semble bien qu’elle soit sur le point de le faire, notre terre. Bien fait pour nous. Oublions les fraises à contre saison.