Un grattement, une irritation, un raclement, une explosion. Dans le coude, il faut penser à tousser dans le coude. Chez lui aussi, l’homme veut respecter les consignes. Ne pas recouvrir du virus sa table basse ni son canapé. L’homme tousse. Et chaque fois il se demande si ça y est, si le virus est là, malgré les précautions, les distances, les lessivages. Si cette éructation ce n’est pas comme souffler pour la dernière fois sa bougie d’anniversaire en contaminant la crème pâtissière avant de partager le gâteau avec sa famille la plus proche. L’homme tousse. Il n’y peut rien. C’est peut-être une poussière. Mais, dans le doute : changer de vêtements, jusqu’au caleçon, laver l’intérieur de son coude, – de la tête aux pieds – , longuement se gargariser d’un bain de bouche antibactérien, brosser ses dents à l’eau chaude. Si l’homme tousse, c’est peut-être son corps qui tente, dans une manœuvre désespérée, d’expulser l’envahisseur. Réflexe salvateur. Il convient de l’y aider de toutes les façons adéquates. Le virus a tenté une entrée, le bougre ? C’est peine perdue : l’homme a toussé. L’homme a des ressources ignorées. Il fait attention, il se scrute, se gratte la gorge. Muni d’une fourchette il tenterait s’il avait le courage de se picoter les amygdales, de procéder à l’ablation à laquelle il a échappé enfant. Très mauvaise idée. En cherchant un tuto sur YouTube l’homme comprend qu’il pourrait se noyer dans son propre sang. Imprudent. Mieux vaut rester immobile sous une couverture et trouver d’où vient sa faute, comment le virus aurait pu pénétrer là. L’homme reproduit mentalement tous les gestes des jours précédents à la recherche de l’erreur qu’il aurait pu commettre. En vain. Mais c’est la peau d’un poivron, coincée longtemps entre deux dents, qui s’est détachée vers la glotte: l’homme en retrouvera après quelques jours d’inquiétude la trace sur le tapis.