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145 – Essayer

L’homme a essayé de comprendre, en vain. Tout lui a échappé. Lui-même, il ne sait plus très bien comment. Il avait cru des liens solides qui n’avaient pas résisté à la violence du choc. Balloté, dans un brouillard bruyant, strident, opaque, et bientôt plus silencieux que les tombes les plus profondes, il avait souhaité mourir, ça il s’en souvenait, et qu’il n’avait pas pu. Pas eu le temps. Et que, pour ça, parce qu’on l’avait poussé au bout de l’immaîtrisable, on ne lui parlait plus, on ne l’entendait plus, et, sans doute, mais sans rien lui expliquer, on le tenait responsable, sans lui dire de quoi ni pourquoi, ni comment. On l’avait effacé. Vocabulaire de tueur à gages. L’homme ne savait rien que sa chute interminable. Sa main était restée tendue dans le vide, dans les flammes, sans personne qui la prenne. Il avait ressorti de là un moignon fumant en gardant pour la forme un sourire à ses lèvres. On a creusé dans son cœur et rien ne remplira ce vide. On l’a jeté sans se soucier d’où il tombait, ni jusqu’où, ni de ce qu’il écrasait, sur son passage mou : aucune force pour résister, aucun tonus pour se relever. L’homme est resté en loque. Broyé, souffle coupé. S’il donne le change, enfin, c’est par réflexe. Il faut bien vivre, puisqu’on ne peut mourir deux fois, et qu’on l’a tué, sans un doute : l’homme sait ce qui ne palpite plus, ne palpitera plus. Jamais. Parfois l’homme se redresse à demi et seuls les autres y croient. Il rampe, laisse échapper un râle qui passe pour un mot et se sait incapable de relever les yeux, de reprendre confiance, de respirer enfin : tout est allé trop loin dans la violence et dans l’humiliation. Il ne reste de vivant qu’une mécanique inutile, un semblant de mouvement, quelques à-coups médiocres, une ombre fragile qui vacille. L’homme semble avoir séché ses larmes. C’est qu’avec les semaines, il a appris. Elles coulent à l’intérieur remplir l’espace infiniment vacant des déceptions cumulées. Tremblant au moindre contact, l’homme n’espère plus. Il ne retrouvera pas confiance. Parfois, l’homme ne sait plus très bien s’il mérite ce nom.

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