Il faudrait se parler, se dire les mots qui réparent. Il y a forcément des mots qui réparent. On préférerait des mots-voyage dans le temps. On ne voyage pas dans le temps. On ne revient pas en arrière. Mais réparer, ça, on peut réparer. Je choisirais les mots, les mots précieux, les mots fragiles, les mots précis et clairs. J’inventerais des mots, il faut parfois inventer des mots. Des mots nuage et amitié. Des mots confiance et douceur. Des mots couleur et patience. Je voudrais que rien ne pèse. J’effacerais les silences qui séparent. Un regard suffirait. Il faudrait s’écouter pour s’entendre à nouveau. Il faudrait quelques larmes, peut-être, qui diraient l’émotion. Il faudrait quelques gestes, qui posent l’affection. Les mots tremblants timides inquiets. Il n’y a rien à expliquer. Expliquer, c’est mourir. S’expliquer, c’est se battre. Il n’y a qu’a murmurer les choses. Les évoquer. Les effleurer. Il faudrait des mots tendres et dire leurs limites. Des mots de marbre et de feutrine. Des mots montagne et lisière. Des mots cataplasme. Il faudrait se sourire. Trouver des mots sourire. Il suffirait de sourire. Il faudrait créer un langage, une grammaire, une ponctuation. Une virgule de suspension. Il faudrait pouvoir se taire et que ce soit tout sauf ne plus se parler. Il faudrait accepter l’indicible, le flou, le scintillement des paysages. Il faudrait se savoir là, à sa place, et pas ailleurs. Il faudrait se reconnaître. Des mots balcons et ritournelles. Des mots joyeux et arabesque. Il faudrait des signaux sensibles et des connivences secrètes. Ce n’est presque rien. Des rires cristallins, des éclats dans les regards. Il faudrait, pour tout dire, que tu sois là.