Abonnez-vous à la lettre d'information

Chaque mois, cinq idées pour améliorer votre créativité éditoriale

189 – Ne pas se priver

Il y a toujours ceux assis à la table d’à côté et dont on écoute distraitement la conversation comme une porte ouverte sur une humanité à laquelle on n’aurait jamais eu accès. Et ce sont des personnes qu’on ne recroisera pas. Deux jeunes entrepreneurs plein de certitudes, manifestement convaincus des conseils qu’ils s’échangent pour payer moins d’impôts, faire plus de profits, en revendant à bon prix des biens qu’ils ont achetés moins cher, à des gogos qui ne savent pas la valeur des choses, sans remarquer un instant que, commandant une pizza à la purée de tomates chinoises agrémentée de quelques rondelles de charcuterie industrielle à base de porcs d’origine inconnue nourris à la farine de soja transgénique et d’antidépresseurs, ils sont les gogos d’un autre qui leur vend de l’authenticité de pacotille sur des nappes vertes et rouges. Et c’est ainsi que le monde avance, où l’on est le dindon d’une farce qu’on croit jouer aux autres et à grand renfort de conversations lardées de vérités prêtes à l’emploi qui valent philosophie de vie et, a minima, semble donner une profondeur à ce qui n’est que surface. Des phrases piochées dans des livres de développement personnel, et qui donnent à vivre des expériences de plénitude pas chère. J’arnaque mes clients entre une séance de yoga ayurvédique et un quart d’heure de méditation de pleine conscience. Et c’est ainsi que le monde avance en équilibre au bord d’un précipice que j’apprends à ne pas voir. Et ça a écouté le dernier podcast à la mode lors duquel un autodidacte interroge un magnat de l’industrie sur l’influence de son signe astrologique dans sa façon de manager ses affaires. Lequel répond de bonne grâce, car sa conseillère en communication lui a promis cent mille et quelques contacts qualifiés, et que ça les vaut bien. Ah, ce besoin de spiritualité, il est bien temps d’y consacrer un peu de son attention, non ? D’ailleurs, on va faire venir un stock de mobiles indiens par avion, le voisin de table a une piste pour les revendre trois fois leur prix à une chaîne de boutiques spécialisées. Ne pas se priver.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Retour en haut