Le cri de l’œuf sous les coups du batteur lorsque se monte la mayonnaise, tu l’as déjà entendu ? Question d’attention. Si l’œuf avait les muscles du homard, il se débattrait comme le crustacé dans l’eau bouillante. Tout ce que peut faire l’œuf, c’est monter. Alors il monte. Il gonfle. Point commun entre l’œuf et le paon qui fait la roue. Le homard, lui rougit. Il n’est pas content. Certains recommandent d’assommer l’animal avant de l’ébouillanter. Pitié de tortionnaire. Pourquoi pas si cela aide le cuistot à mieux dormir, mais n’accordons pas trop d’importance aux émotions d’un animal qui n’a jamais exprimé la moindre affection pour l’homme qui souvent le nourrit. Rien ne démontre la souffrance de l’œuf, ni la douleur du homard. L’expérience prouve au contraire le plaisir de celui qui, sachant associer l’un à l’autre, se régale de la chair d’une pince trempée dans la mayo.
La couleur inimitable du homard cuit! Comment la rendre sur ma toile vierge? Orange persan, rouge de cadmium, rouge vermillon, rouge carmin, rouge rubis et bien d’autres. Rouge pompier, rouge de feu tricolore, orange du soleil qui se couche, rouge de colère ou d’indignation. Toutes ces nuances s’entremêlent, se télescopent, se battent pour exister sur cette carapace ébouillantée et maintenant sur ma toile. Un minuscule triangle de citron, une larme de légume vert, une touche de navet mauve et mon tableau est fini. La bataille fut rude, mais le résultat est saisissant.