Souvenir d’enfance, la main posée sous la fenêtre et le petit courant d’air froid qui fait frissonner le corps entier. L’hiver s’immisçait dans les pièces par les chambranles mal isolés et la nuit, lorsque l’édredon glissait du lit, une vague glacée me saisissait jusqu’aux os. Adulte, je sais l’importance du joint qui obstrue les interstices oubliés. Dans une lutte impitoyable contre les failles thermiques, j’en couvre les moindres encadrements avec application, de la lucarne à la baie vitrée, de la porte d’entrée à la véranda, du vasistas à l’œil de bœuf. Dans les chambres d’hôtels, je déroule le joint en caoutchouc que j’emporte toujours avec moi, comme d’autres leur sèche-cheveux, leurs pantoufles fétiches ou leur oreiller ergonomique : le moindre filet d’air provoquant des nuits blanches. Je ne cède au repos que dans les pièces hermétiques, et rêve d’espaces clos comme l’était le ventre de ma mère.
Ma fenêtre face à la mer me permet de jouir d’un paysage sans cesse transformé avec un ciel qui nuage. Pas besoin de télévision. Par contre les jours de tempête, le vacarme remplit l’appartement. Les nuages ventent. La radio devient difficile à écouter. Merci à Clémence de me signaler un dispositif pour réduire tout ce bruit fatigant. Je vais essayer .
Passoire thermique: Ces deux mots n’en reviennent pas d’être accolés l’un à l’autre depuis peu. Isolation des murs, des combles, des fenêtres et des portes, c’est l’obsession de l’époque. Clémence qui n’a pas les moyens de se lancer dans des travaux pharaoniques va acheter cinq mètres de joints en caoutchouc pour se donner bonne conscience. Et elle continuera à se coucher avec la belle bouillotte allemande que sa fille lui à offerte, un châle en laine, un bonnet et des chaussettes dans une chambre qu’elle n’a jamais chauffée de sa vie. Le joint collé au bas de sa fenêtre ne va-il-pas l’empêcher de respirer tout à son aise?