La ville est morte. Si elle bouge encore, c’est l’automate mécanique qui déplace chaque jour presque identique au précédent des habitants sans âme d’une rue à une autre et retour. Une ronde en très légère spirale, qui conduit de la naissance à la mort et recommence avec les suivants. Une ronde sans but. La ville change ? C’est à peine. Et la marche automatique des habitantes et la course des sportives en jogging, et le ronde des saisons. Tourner en rond, légèrement décalé à chaque tour, dans la trombe ralentie des oscillations quotidiennes.
La ville est morte. Rues vides des nuits d’hiver ou des étés caniculaires. Rien ne bouge et les presque cadavres s’entassent chez eux, suffocants, grelottants, paralysés par la peur d’un extérieur inquiétant et violent. A peine si l’on repère un renard qui saute d’une poubelle éventrée à la suivante. L’on ne sortira plus de chez soi qu’obligé, tenaillé par la faim, poussé par la soif, à la recherche de l’indispensable. La ville est morte et ne survivent que les téméraires qui affrontent le vide et le silence des avenues désertées où détalent les nuisibles.
La ville est morte. De mémoire d’homme, on n’a jamais vu les enseignes s’allumer à la tombée du jour, ni les rideaux de fer se lever au petit matin. Les boutiquiers ont déserté depuis longtemps, et les cafés ont abandonné leurs terrasses à la végétation. De la poussière recouvre les trottoirs. Longtemps qu’on n’y a vu la trace d’un pas. Le bruit d’un volet qui claque se perd entre les façades lézardées des maisons. Il n’y a même pas d’écho.