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265 – Correspondance 6

Correspondance sans correspondante. Lettres en poste restante. Missive to miss. Je ne sais pas si c’est une nouvelle série. Mais je t’écris. Peut-être que tu te reconnaîtras, si tu existes ailleurs que dans ces lettres.

Toi,

Tu ne réponds pas, et je ne devrais pas m’en étonner, puisque je ne t’envoie pas ces lettres. Tu ne me réponds pas, et rien ne prouve d’ailleurs que tu existes, ni que tu ne sois pas plusieurs, ni que vous ayez envie que je t’écrive. C’est dire si cette correspondance est vouée à l’échec. Pourtant, cela fait plus d’un an que je t’écris.

Tu as changé. Tu étais assez précise, au départ, dans le sens où j’avais une idée assez claire de qui tu pouvais être. Tu as petit à petit disparu dans une brume que je n’imaginais pas si opaque qu’elle l’est aujourd’hui. Mais tu en es ressortie, et c’était toi la brume. Un fantôme, une apparition. Le mot apparition, pour te désigner, ce n’est pas rien. Le mot fantôme non plus. Tu es la brume légère. Moi, les lambeaux.

Tu es une foule de souvenirs et de menus bonheurs qui s’effacent avec le temps comme une brume se lève. Encore quelque heures, encore quelques minutes, et il ne restera plus rien sans doute. Un paysage lisse, encore une humidité, des effluves, même plus un parfum. Tu as été là. Il n’y aura bientôt plus que moi pour le savoir et ce qui était palpable, presque palpable, et qui a disparu au moment précis où j’ai tendu la main.

Il n’y a que toi qui peut comprendre cette lettre, si tu existe encore quelque part. Toi, ces mois de bonheur et cette disparition.

J’ai effacé la plupart des lettres que je t’ai écrites. Personne, donc, ne les lira jamais et j’ai oublié ce qu’elles contenaient. Peu importe ? Peut-être.

Les correspondances, pourquoi ? Changement de direction, et les parfums et les sons se répondent. Quelque part entre Baudelaire et le chef de gare. Entre l’élévation de l’âme et le terre à terre. Une correspondance, on n’en parle que lorsqu’on la rate. Et celle-ci l’est, ratée. Totalement. Une correspondance, c’est le monde entier par les cinq sens en harmonie. Quand on ne la rate pas.

Les lettres n’ont souvent pas de sens. C’est ce que j’ai envie de te dire, là. Ce que je te dirais si tu étais là. Ce que tu m’autoriserais à te dire, peut-être, mais il est beaucoup de chose que je ne peux pas dire. Des choses qu’il faut oublier avoir pensées. Des choses qui n’aurait jamais dû affleurer.

Affleurer, effleurer, fleur, fleurette, flirt… On n’en sort jamais : ce sont les mots qui nous trahissent. En disent plus. En disent trop. Ma réalité n’a jamais correspondu au discours.

Les fleurs, finalement, c’est de la réthorique. Ce qu’on envoie quand on n’envoie pas de lettres. Et je t’enverrais toutes les fleurs, si je ne savais déjà ce que tu en penses. Mes fleurs seraient des phrases. Mais elles me trahiraient, encore : dans le discours les fleurs de réthorique sont des ornements factices, elles cachent plus qu’elles ne dévoilent.

Il ne faudrait pas prendre cette correspondance à la lettre. Juste l’esprit qui bifurque. Changement de ligne.

Qu’est-ce qui correspond encore à quelque chose ?

Qu’est-ce qui pourrait avoir le moindre sens ?

S.

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