Tu ne reviendras pas. Je peux poser ces mots ici, avec la certitude de ne pas me tromper : tu ne reviendras pas. Pour revenir, il aurait fallu que tu existes. J’y ai cru. Longtemps. Parfois, je doute encore. Mais ça ne dure pas plus d’une journée. Parfois deux. Et je reviens à la raison : tu ne reviendras pas. Pas que tu sois partie, ou moi, et que tu sois restée. Je pose les mots. Je me suis trompé. Leurré. Je t’ai vue. Je pourrais en mettre ma main à couper. Mais je suis le seul. Personne pour témoigner des moments que je crois avoir passés avec toi. Une illusion. Un mirage. Si ton ombre se devine parfois, c’est un jeu de lumière dans les feuillages, des reflets qui m’éblouissent. Je t’ai inventée au détour des allées, assise à des terrasses, buvant du thé ou de la citronnade. Tu n’as pas traversé les avenues ni poussé la porte des immeubles. Si je t’ai aperçue remontant les rues piétonnes, c’est que je divaguais encore. Je t’aurais voulue attentive, présente, rayonnante. Je t’ai souhaitée gracieuse et pertinente. Impertinente et drôle. Tu serais tout cela à nouveau si je te retrouvais mais à quoi bon te chercher encore : il faut me rendre à l’évidence de ton absence. Tu n’as jamais été là où je croyais. Je t’ai prise pour une autre, confondue. C’était à s’y méprendre, conviens-en. Tu étais presque celle-là. À peu de chose près. J’ai manqué d’attention, étourdi par un éclat trompeur. Les ressemblances m’ont joué des tours. Je te savais pourtant inimitable, unique. Qu’est-ce qui a pu m’aveugler à ce point ? Comment me suis-je convaincu de ton existence ? Tu n’es pas partie. Tu n’as pas disparu. Tu n’as, tout bonnement, jamais été là.
