La dernière fois que j’ai marché seul le long du quai, je m’en suis éloigné. L’eau m’attirait. C’était plus fort que moi, soudain, presque irrésistible. J’aurais sauté, sans un détour emprunté in extremis, comme on attrape une bouée du bout des doigts alors qu’on a déjà bu la tasse. Depuis, je n’y vais plus sans toi. Tu me maintiens au bord et me montres à chaque fois ce que je ne saurais pas su voir seul. C’est un groupe de sportifs, toujours les mêmes, qui s’entraine sur le mobilier urbain comme si leur vie en dépendait. C’est une sculpture en ferraille, sans âme, qui te désole. C’est un chemin sur lequel, en soirée, s’animent des lumières, des dessins, des couleurs, et tu m’invites à revenir à la nuit tombée profiter du spectacle. Je ne me lasse pas des détails que tu ajoutes, des précisions que tu connais, de l’enthousiasme dont tu fais preuve. Ce sont des joueurs de volley, des jeunes qui s’installent sur l’herbe pour un apéritif ; c’est, selon l’heure, une mère et ses enfants, une dizaine de coureurs, l’estafette de quelques ouvriers en intervention sur un luminaire, que tu salues, un homme en costume tiré par un chien dont la veste à carreaux nous amuse, il porte des moustaches proéminentes. C’est, enfin, un garçon qui prend la main d’une fille pour la première fois. Je prendrais bien la tienne. Mes doigts se referment sur une brume.