Enfant, il s’agissait de croire ou ne pas croire aux fantômes. C’était un jeu à se faire peur, les maisons hantées. Année après année, mois après mois, jour après jour, elles sont de plus en plus nombreuses, pourtant, et dans chaque objet posé chez soi, dans chaque photo, dans chaque cadre accroché au mur, les ombres qui voilent le regard. Enfant, on riait au bruit des chaînes et l’on tirait sur les draps usés de spectres de pacotille. On jouait à hurler au grincement des parquets, au vent dans les cheminées, sans voir aux yeux des adultes les larmes rentrées qui floutent le présent. On a grandi et l’on sait à chaque coin des pièces, sur chaque étagère, les livres lus par les morts et les objets passés de main en main. Entre les pages qu’on ouvre il reste un peu de l’odeur de la maison qu’on a vendu, des chambres où l’on a dormi, des plats mitonnés à l’ancienne. Les fantômes sont là, nombreux, et nous accompagnent. On en rit de moins en moins, petit à petit attiré vers le brouillard qui nous enveloppe et s’épaissit.