La différence entre l’extérieur et l’intérieur se joue à peu de choses. Ce qu’on a aux pieds, chez soi : une façon de dire, « je suis chez moi », en charentaises, en soquettes, en tongs, même, pourquoi pas, ou nus pieds si le carrelage n’est pas trop froid, le plancher sans échardes. On range les chaussures d’extérieur en entrant et l’on n’est chaussé comme dehors que chez les autres pas assez proches pour supporter les trous aux chaussettes, ou, pire, les relents des fins de journées trop chaudes. Dans l’entrée c’est chez les uns des chaussures entassées, et chez les autres un placard précisément prévu pour ranger les paires par couleurs, pointures, saisons. Et tout est alors en ordre. L’impolitesse qu’il y a à demander à l’invité de se déchausser pour ne pas souiller la moquette blanche échappe souvent à l’indélicat qui préfère préserver son intimité plutôt que la dignité de celui qui franchit son seuil.
Rayan, mon roi, vient de s’acheter une bibliothèque pour classer tous ses livres empilés à la va comme je te pousse. Il a la tête dans les nuages mon prince. Il cultive son cerveau, manie les idées, se passionne pour une cause ou une autre. Ce n’est pas lui qui s’occuperait du ménage, de la vaisselle ou de la lessive. Il est trop occupé à lire, écrire et penser. Mais moi, je viens de repérer un élégant meuble à chaussures. En plus on peut en empiler deux l’un sur l’autre, la félicité! Trente-deux paires de chaussures rangées, classées avec soin. Quand je reviens avec ces meubles, Rayan rigole: Toujours aussi terre à terre, mon amour. Et oui, chacun sa priorité mon roi, moi ce sont les pieds, toi le cerveau.