Lorsque la maison Larousse sort un ouvrage sur le corps dans les
expressions de langue française, on s’attend à un livre sérieux, un
livre de référence sur le sujet. A bouche que veux-tu
répond effectivement à cette attente. On trouve en effet ici un cheveu
sur la langue, du coeur au ventre, une dent creuse, un dos au mur, des
ronds de jambe, ou encore un estomac dans les talons. Pour chaque
expression, les explications culturelles et/ou éthymologiques sont bien
au rendez-vous. Le contrat est rempli. Et bien rempli.
Mais le livre est signé Jacques Jouet. Ce n’est pas forcément un auteur
connu du grand public. Un oulipien, un professionnel du texte à
contrainte, un joyeux joueur de mots. Même si A bouche que veux-tu
est une réédition, tout le monde n’a pas lu ses livres. Les plus
passionnés l’ont entendu régulièrement sur France-culture. Pour ne
citer qu’un livre, Navet, Linge, Oeil-de-vieux, ce sont des
poèmes quotidiens, écrit entre le 1er avril 1992 au le 31 mars 1996.
Trois volumes où il n’est question que de ces trois objets : un navet,
un carré de linge jaune et un oeil-de-vieux (petite lentille carroyée
de peintre paysagiste, qui rapetisse ce qu’elle vise). Cela vous peut
paraître rébarbatif, mais la lecture en est jouissive et surprenante,
alternant les formes et les ambiances.
A bouche que veux-tu est beaucoup plus grand public, mais
Jacques Jouet ne s’y comporte pas comme n’importe quel spécialiste de
la langue. Les expressions sont classées par associations d’idées
s’éclairant les unes les autres. Et l’on trouve des digressions
d’auteur inattendues et fécondes, comme la fin inédite du conte du Chat
botté. De la fiction dans un livre de référence ? Voilà qui n’est pas
sans rajouter un peu de sel à l’ensemble.
Du coup, le livre se lit comme un roman où les expressions
s’entrechoquent et prennent tout leur relief. Quand l’érudition et
l’imagination se mèlent avec autant de plaisir, on ne peut qu’applaudir.