En s’engageant dans ce commerce, il avait quitté Le Mans ainsi que sa compagne Sandrine L. et tous les deux avaient démissionné de leur CDI pour participer, pleins d’espoir, à un projet qui leur semblait intéressant et leur avait été présenté comme durable.
Oh, la belle phrase ! Aimablement signalée par une fidèle lectrice et repérée par icelle dans la presse locale. Elle est l’occasion d’un deuxième épisode, ici, de La clinique des phrases.
Rappel : je n’invente pas la Clinique des phrases. Il s’agit d’une rubrique née chez L’Oreille tendue. Une bien belle rubrique, qui manie l’ironie, un peu, et donne à voir comment tout cela s’écrit. Beaucoup.
Qu’a-t-on ici ? D’abord la sensation d’un zeugme étonnant :
il avait quitté Le Mans ainsi que sa compagne Sandrine L.
C’en serait un, et volontaire, si l’homme ici sujet avait bien quitté et sa ville et sa compagne. Mais non ! Ce n’est pas du tout ce que l’auteur de l’article veut nous dire : car les deux sont partis du Mans ensemble. Il a quitté Le Mans avec sa compagne. Cela change tout.
Réécrivons un peu :
En s’engageant dans ce commerce, il avait quitté Le Mans avec sa compagne Sandrine L. Tous les deux avaient démissionné de leur CDI pour participer, pleins d’espoir, à un projet qui leur semblait intéressant et leur avait été présenté comme durable.
On n’a pas pu s’empêcher de couper la longue phrase en deux. Et l’on peut peaufiner.
En s’engageant dans ce commerce, il avait quitté Le Mans avec sa compagne Sandrine L. Pleins d’espoir, tous les deux avaient démissionné de leur CDI pour participer à un projet qui leur semblait intéressant et leur avait été présenté comme durable.
C’est de mieux en mieux, non ? On peut toujours améliorer pour plus de lisibilité, et en gagnant en logique. L’idée est que la phrase présente les choses dans l’ordre, et sans mot superfétatoire.
Il avait quitté Le Mans avec sa compagne Sandrine L. pour s’engager dans ce commerce. Pleins d’espoir, ils avaient tous les deux démissionné de leur CDI pour un projet qui semblait intéressant et durable.
A la réflexion, il faudrait aller plus loin, non ? Car ils ont sans aucun doute démissionné avant de déménager…
Sa compagne Sandrine L. et lui avaient démissionné de leur CDI pour s’engager dans ce commerce. Ils avaient quitté Le Mans pour un projet qui leur semblait intéressant et durable.
Une question, encore « s’engager dans ce commerce », vraiment ? « s’engager » est ici polysémique : on s’engage dans une rue par un mouvement physique. On s’engage pour une cause, parfois. Ici, on ne comprend pas très bien. Lorsque je m’engage dans un supermarché, c’est le plus souvent en poussant un caddie. Lorsqu’on a une vocation, on s’engage sur une voie, au sens figuré. Ce choix de vocabulaire laisse le lecteur décider, tant bien que mal, de quel type d’engagement il pourrait s’agir. Cela crée un flottement… On proposera plutôt :
Sa compagne Sandrine L. et lui avaient démissionné de leur CDI pour gérer ce commerce. Ils avaient quitté Le Mans pour un projet qui leur semblait intéressant et durable.
A votre service, comme conclut souvent L’Oreille tendue. Et l’on ajoute que si la construction des phrases vous intéresse, on a ce qu’il faut en magasin. On a même une offre sur le choix de mots, et une sur la meilleure façon d’organiser un texte.