Tout commence par la nécessité de l’écriture. Sans cette nécessité là, il n’y a pas d’histoire. J’ai publié une vingtaine de livres, dont certains se sont vendus à plus de 20 000 exemplaires. Ce n’est pas pour me vanter, mais cela fait de moi un auteur qui a trouvé sa petite place en librairie et dans les bibliothèques, souvent les toilettes – gardons la tête froide, de pas mal de lecteurs. Et j’ai des fils. Des fils qui lisent. Beaucoup. (Qui lisent beaucoup, pas beaucoup de fils, encore que ça aussi, ce soit relatif). Alors j’ai voulu écrire une histoire qu’ils auraient du plaisir à lire. Tout commence par l’envie de raconter une histoire, puis par quelques idées un peu originales sans lesquelles ce n’est pas la peine de raconter une histoire.
Dans le monde dans lequel évolue mon héros, Eno, 11 ans, toutes les décisions sont prises en tirant à pile ou face. C’est la première idée. Tout en découle d’une façon ou une autre. A partir de là, il fallait décrire une société qui se tienne. Je crois que j’ai réussi. Et en filigrane, la question qui se pose, c’est de savoir comment prendre des décisions, et de bonnes décisions. Il me semble que c’est important à la fin de l’enfance et au début de l’adolescence. Après aussi, d’ailleurs.
L’autre idée, mais je ne peux pas en dévoiler trop, c’est l’impact de la mise en place d’une nouvelle technologie. Il y a de ça. J’en parlerai avec ceux qui auront lu le livre.
Voilà, deux idées, plus quelques autres, et plusieurs années d’écriture, en pointillé. Le roman a fini par prendre forme.
Je l’ai alors fait lire. A mes proches, à mes fils, qui l’ont trouvé bien. Et à quelques éditeurs, qui ne l’ont pas trouvé mal, sans pour autant aller jusqu’à la publication. Mais ils m’ont dit ce qu’ils en pensaient. Alors j’ai repris mon texte. Travaillé encore. Remodelé un peu, ici et là. Donné, je pense, un peu plus de cohésion et de rythme. Et obtenu, enfin, un résultat qui me satisfaisait.
La logique, alors, aurait été d’envoyer mon roman à de nouvelles maisons d’édition. Il en est de très bien. Et je sais, pour mes livres précédents, ce que le travail avec un éditeur apporte. Mais, en 2003, déjà, j’ai publié, chez Eyrolles, S’éditer, le guide de l’édition et de l’autoédition. En la matière, depuis, les choses ont beaucoup progressé. Et, ayant un texte près, valable à mes yeux, je me suis dit que c’était le moment d’essayer.
Ce n’est pas comme si je n’avais jamais publié. Et puis, j’ai tout de même lancé deux magazines pour les ados, je connais un peu. Bref, je ne dois pas me sentir illégitime pour le faire. Le procès en illégitimité est le premier que l’on fait aux auteurs qui choisissent cette voie : qui seraient-ils pour penser que leur texte vaut publication ? Passons sur le fait que ceux qui tiennent ces propos ont souvent plus confiance dans les services marketing des gros éditeurs que dans le filtre des lecteurs qui vont à la rencontre des textes. Le succès des auteurs auto-édités tient exclusivement au soutien des lecteurs. Cela arrive parfois dans l’édition traditionnelle. Mais pas toujours.
Bref, choisir l’auto-édition pour ce roman là, pour moi, ce n’est pas un combat contre l’édition. C’est un essai, une façon de voir, de progresser, de mieux comprendre comment ça marche. C’est me mettre en danger, aussi : si je ne vends que 30 livres, on pourra parler d’échec. Si j’en vends un peu plus, j’espère qu’un éditeur aura envie de publier Eno. Parce que les éditeurs regardent de près ce qui se passe sur le web, et qu’ils ont raison de se servir dans ce vivier comme ils repéreraient des auteurs dans les revues au siècle précédent. Un scénario plausible : le premier pas d’Eno en ligne et auto-édité pourrait être le début d’une belle aventure. Pas plus bête que d’envoyer 20 fois son manuscrit par la poste (par la poste !). Sachant que là, ce sont les lecteurs qui ont mon destin en main.
Pas question d’attendre qu’ils arrivent tout seuls, cependant. Il va falloir, je le sais, aller les chercher, un par un. Y mettre de l’énergie. Sinon, c’est une bouteille à la mer, et, ça, ça marche rarement.
J’ai donc fait un peu de marketing. Un vilain mot, mais il vaut bien se vendre un peu. La question c’est vraiment d’arriver à amorcer un bouche à oreille positif. Et de donner envie de lire la chose.
Sur le web, pour un livre, la première chose qui me semble compter, c’est la couverture. Je voulais une belle couverture. Cela coûte quelques centaines d’euros. J’aurais pu les trouver. Mais j’ai souhaité dès ce moment là, impliquer mes futurs lecteurs. J’ai lancé une collecte sur Ulule. Une collecte modeste, qui a abouti, et m’a permis de commander une illustration à un professionnel. Cette collecte m’a permis aussi de réunir 42 contributeurs autour du projet. Beaucoup de connaissances, d’autres que je ne connais pas qui vont recevoir le livre en avant-première et qui, je l’espère, en deviendront les premiers ambassadeurs. Ils sont pour moi ce qu’il y a de plus important dans ce projet : ils me font confiance, ils croient en ce que je fais. C’est très émouvant, en fait. Ils sont là. Il faut maintenant que le texte leur plaise, et qu’ils soient les premiers à en parler autour d’eux, à l’offrir, à le conseiller, à le commenter sur le web… Il faudrait ça pour que le livre ait une chance d’aller plus loin que le cercle de son premier public. 42 personnes cela peut sembler peu. Mais le bouche à oreilles commence avec une seule bouche. En même temps, il n’y a pas de chiffre plus magique que 42, n’est-il pas ?
J’ai mis en place quelques outils pour porter le projet. Dans les contreparties que de nombreux contributeurs vont recevoir, il y aura un poster. J’espère qu’il sera visible. Et qu’il donnera envie aux gens d’aller s’inscrire à la newsletter que j’ai mise en place là: www.eno-livre.com pour que chacun soit tenu au courant de l’actualité autour du livre.
Parallèlement, et c’est une évidence aujourd’hui. J’ai lancé une page sur Facebook, et un compte sur Twitter.
Tout cela est un bon début, mais tout commence maintenant, alors que le livre est enfin en vente. C’est ce qui se passera sur la page Amazon d’Eno, la chasse aux rastacs qui sera déterminant. Le nombre d’achats, qui propulsera ou non le roman dans les meilleures ventes, et les commentaires des premiers lecteurs, qui dépendent tout de même pour une grande part de la qualité du texte.
Pourquoi Amazon, me diront certains ? Pas de dogmatisme pour ou contre en ce qui me concerne. C’est, aujourd’hui, la meilleure offre tant pour l’auteur que pour les lecteurs, en matière d’auto-édition. Il serait mieux qu’Amazon soit une entreprise citoyenne, mais cela n’empêche aucun éditeur d’y être présent. Pourquoi seulement Amazon ? Me demanderont d’autres. Parce qu’il faut bien commencer quelque part, qu’il s’agit qu’un livre rencontre ses premiers lecteurs, et qu’il convient d’être d’abord présent chez le leader du marché. Pas de dogmatisme, rien de figé. Pour démarrer, Amazon est simple et efficace. La librairie en ligne n’est pas suffisamment attractive pour que je n’aille pas voir ailleurs dès que l’occasion se présentera. Mais cela dépend sûrement des premiers résultats obtenus.
Notez que pour les allergiques à Amazon, je serai présent à Rouen, dans la librairie Le Rêve de l’escalier, pour une mini-conférence sur le thème « L’art de tirer à pile ou face » et une exceptionnelle séance de dédicace de livres numériques le 27 novembre 2014 à 19h.
A suivre, donc. En espérant que vous soyez au rendez-vous.