Amazon ne paye pas ses impôts. Amazon propose des conditions de travail indignes à ses manutentionnaires. Amazon n’est pas du côté des philanthropes. Loin de là. Et c’est dommage. Amazon est, avant tout, du côté de ses actionnaires. Ceci est clair. Ceci est posé.
Amazon voudrait faire croire qu’il est du côté des lecteurs et des auteurs. Et ceci pourrait contrebalancer cela. Le bras de fer qui oppose Amazon à Hachette aux Etats-Unis ne manque pas d’intérêt (lire l’article du Monde) : la question serait le prix des livres électroniques. Il est excessif en France. Concernant, en tout cas, les éditeurs historiques. Parce que Publie.net a bien compris quel était le prix juste. Et, dans un autre genre, Ska aussi. Quelques euros, pas plus.
Pour Amazon, du coup, l’auteur gagnerait plus qu’au tarif « à l’ancienne ». C’est expliqué dans un article de Slate.fr. Et c’est tant mieux, pour l’auteur, pour le lecteur, pour l’éditeur, et pour Amazon et ses actionnaires. Alors, pourquoi ne pas fondre sur une solution qui permettrait à tout le monde de vivre mieux ? Parce qu’il n’est pas facile de laisser au bord de la route le libraire, l’imprimeur, et tout ce qui fait intermédiaire aujourd’hui entre l’éditeur et le lecteur.
Les éditeurs traditionnels ont de quoi avoir peur : tout est entrain de changer. Pour les libraires, c’est encore pire, et plus compliqué.
Les auteurs, eux, ont à y gagner. Ils y gagnent chez Publie.net ou ska : parce qu’il y a moyen de construire des alternatives à Amazon (et Hachette pourrait le faire, tiens). Ils y gagnent aussi chez Amazon (où l’on retrouve les deux premiers au format Kindle, d’ailleurs). On promet sur Amazon des pourcentages sur le prix de vente qui n’ont rien à voir avec ceux promis par les éditeurs traditionnels. On descend parfois dans le livre papier à 3% du prix de vente hors taxe, on monte pour les plus chanceux à 12%. Dans l’électronique, on imagine aller jusqu’à 70% pour l’auteur ! C’est ce que propose Amazon pour ceux qui publient en direct sur sa plateforme… De quoi rêver.
Evidemment, dans ces conditions, il faudra que l’auteur fasse une partie, non négligeable, du boulot de promotion. Le buzz dépend de lui. Mais, si la mayonnaise commence à prendre, alors, la force de frappe d’Amazon vient à la rescousse, avec son moteur de recommandation, ses mails, ses mises en avant. Et là, c’est bingo. En théorie, du moins, et en pratique dans quelques cas avérés, y compris en France.
Il ne s’agit pas de vendre du rêve : c’est du boulot aussi. Et je sais la qualité et l’intérêt du travail d’un vrai éditeur. Un qui paye ses impôts en France, et qui pense aussi à ses actionnaires. Je sais le temps passé sur les textes, les réflexions sur les couvertures, les envois aux journalistes, les passages à la radio, les articles dans la presse.
Je sais que l’éditeur, lorsqu’il fait bien son travail, rend le livre meilleur, le défend, et se charge de toutes ses contingences qui détourneraient l’auteur de l’écriture si il avait à s’en occuper. J’imagine même, que si l’éditeur est tellement indispensable, Amazon finira bien par en avoir. Des éditeurs maison, qui travailleront sur des titres. Et que tant qu’il n’en a pas, c’est qu’il n’y a pas de réel retour sur investissement de ce côté, alors que, manifestement, en misant sur les auteurs…
Courte vue ? Que se passera-t-il lorsque les éditeurs à l’ancienne seront morts et que les libraires qui n’auront pas su devenir des lieux de vie auront disparu ? Qu’adviendra-t-il lorsque les bibliothèques de prêt n’auront plus de rôle face au streaming généralisé de la lecture ? Rien, il ne se passera rien. J’achèterai sur Ska, je m’abonnerai à Publie.net ou à Amazon. Je lirai toujours, et peut-être même que je gagnerai mieux ma vie en tant qu’auteur.
Si seulement Amazon comprenait l’intérêt d’une politique sociale pour ses employés, et la grandeur qu’il y a à payer ses impôts. C’est peut-être sur ces sujets là que les auteurs pourraient faire pression, puisqu’ils ne semblent pas se plaindre lorsqu’Amazon vend gentillement leurs livres.
[mise à jour 18/08/2014] Lire aussi : « Au revoir Amazon ! » – Fronde des auteurs en Allemagne aussi