2/3/22
Il y a quelque chose de rassurant à écouter un écrivain parler de littérature et de comment il écrit un livre. En tout cas, moi, ça me rassure. Hier soir c’était Arno Bertina, à propos de Ceux qui trop supportent. Je crois que j’en avais touché deux mots dans ce journal au moment de la lecture. Il est là, dans une micro-brasserie pizzeria réparateur de vélos de Rouen, et il raconte ce que j’ai déjà lu dans le livre, ou ce que je l’ai déjà entendu dire en vidéo. Ce n’est pas très différent sur le fond, et c’est tant mieux. Ce qui se passe de plus est de l’ordre du sensible, de l’empathie, de la confiance. De la présence, en fait. Et l’on se dit que c’est bien de voir des gens, de boire des bières. Et avoir envie de remettre ça.
3/3/22
Perec mort depuis 40 ans. Assis sur un banc, comme d’autres à travers le monde pour un hommage sur Twitter. Tentative d’épuisement démultiplié par Twitter : il s’agit de dire ce qu’on voit, là, devant soit, pendant une heure, comme Perec le fit place Saint-Sulpice, à Paris, trois jours d’affilée. C’est sur les quais à Rouen, que je regarde devant moi. Et les deux dernières notations de cette heure. “Sur camion « The art Of », les mots dessous illisibles. Passé trop vite sur le pont. On a l’art de quoi, là ?” “L’homme au chien jette dans la poubelle translucide le petit sac contenant, peut-on supposer, les déjections de l’animal.”
4/3/22
Nouvelle collection aux éditions Le Robert : Secrets d’écriture. Un écrivain vient raconter comment il écrit. Inaugurent la série, dans des genres très différents, Michel Bussi et Jean-Philippe Toussaint. Je commence par le second. On pourrait craindre d’avoir déjà tout lu dans L’urgence et la patience (éditions de Minuit) dans lequel déjà il était question de comment Jean-Philippe Toussaint écrit. Ce nouveau volume y fait évidemment référence à plusieurs reprises, et même cite des passages. Mais c’est un autre livre, peut-être parce que s’inscrivant dans une collection et s’adressant précisément à un public pensé par l’éditeur. Il y a un peu de marketing derrière ces livres de commande, forcément. Mais rien à dire de désagréable, on rentre avec plaisir dans l’atelier de l’auteur qui raconte ses débuts dans l’écriture, l’évolution de sa technique, et qui dévoile ses trucs et astuces. De quoi me convaincre d’acheter les suivants qui paraîtront là.
5/3/22
L’instant précis où Claude Monet entre dans l’atelier est un court texte de Jean-Philippe Toussaint publié cette semaine aux Editions de Minuit. Disons-le tout net : c’est un petit bijou. Giverny, la guerre au loin, et l’artiste qui se fatigue les yeux sur la toile. Un bijou de style : merveilleux travail sur les temps des verbes. Et si l’image on la connaît tous, du vieil homme sur le pas de l’atelier, et si l’histoire même on l’a déjà entendue, ces trente pages tombent pile, au dixième jour de la guerre en Ukraine. On entend le bruit des combats, encore au loin, et on continue d’écrire, de peindre, de vivre. Ce n’est qu’une partie de l’histoire. C’est Giverny, tout en amont du territoire qui m’occupe professionnellement en ce moment. Un territoire de culture qui se fédère pour porter une ambition. De Giverny au Havre jusqu’à Honfleur, Rouen porte le projet de devenir Capitale européenne de la culture en 2028. Se dire que c’est justement de ça qu’on a besoin en ce moment. Plus que des résonances : des concordances.
6/3/22
Revenir sur le dispositif du Catalogue 2022. Suffisamment robuste pour résister à un week-end plus rempli par la vie que les autres. Publications quotidiennes, préparation hebdomadaire : tout tient malgré les kilomètres et les heures prises sur l’écriture par la vie. Car il faut bien vivre. Sans le dispositif, qui règle les heures de sommeil (ou l’heure du lever, plus exactement), il serait délicat de faire face aux aléas. La règle de vie s’impose comme une puissance supérieure. Tant mieux.
Toussaint/Monet fait envie
Quelle discipline ! (jalousie…)
Je m’impressionne moi-même…