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L’Acrimed dans un monde de papier ?

Samedi 17 novembre 2007, Maromme, à côté de Rouen. Je suis invité à participer à une table ronde consacrée aux médias alternatifs, Une table ronde à laquelle participent avec moi un représentant de l’Acrimed, et un blogueur, formateur d’animateurs, spécialiste de l’éducation aux médias, intervenant pour les Cemea. On est en terre communiste. Dans le cadre du salon du livre local. Une cinquantaine d’auteurs de livres plus ou moins, et plutôt plus que moins, régionaux se partagent d’ailleurs des tables où des lecteurs de passage s’informent sur ce que contiennent leurs ouvrages, et, dans un coin de la salle, quelques rangées de sièges font face à quatre fauteuils et deux tables basses.
Voilà pour le décor.

Je suis là en tant que grand manitou de grand-Rouen.com, un média alternatif ? Je suis là en tant que contributeur à Rue89.com, un média alternatif ? Et puis je décide d’être là aussi en tant que formateur au Centre de Formation des journalistes, histoire de représenter un peu les médias non-alternatifs, bref, les vrais. Et de prendre un peu la défense du journalisme professionnel dans cet univers où je sens bien qu’ils constituent une cible de choix.

Les gobelets sont propres. L’eau est minérale, et l’animateur du débat en retard, même absent et remplacé au pied levé. Tout cela fleure bon l’amateurisme. On a connu mieux. Et pire, aussi.

Résultat des échanges ? En synthétique : le représentant de l’Arimed reproche la main mise du capital sur l’information diffusée sur Internet. Un site avec de la pub ne garantirait pas l’indépendance du contenu, à l’opposé d’un site fait par des bénévoles comme celui de l’Acrimed. Et puis ce n’est pas en reproduisant les méthodes de la presse traditionnel que la presse en ligne fera la différence, explique-t-il. Il en veut pour preuve que Pierre Haski publie un éditorial sur Rue89, et que ça, ça n’a rien de révolutionnaire, puisque des éditoriaux, on en trouve partout.

Etonnant, non ? Je le trouve d’un coup un peu plus alternaif qu’alternatif, même si, a priori, j’ai l’impression que l’Acrimed fait souvent des choses plutôt intéressantes.
Alors, j’explique que l’indépendance des titres d’information en ligne, si elle peut être menacée par la pub, est garantie comme jamais par les lecteurs, qui n’ont jamais eu autant de pouvoir qu’aujourd’hui et recadrent sans scrupule des journalistes qui ne feraient pas bien leur travail.

L’argument n’est pas très bien accueilli, ni par le représentant de l’Acrimed, ni par le public, d’où il ressortira, en substance, que les lecteurs n’auraient pas grand chose à apporter, que les commentaires sur les blogs, ça ressemble surtout au café du commerce, et que le modalité d’organisation d’un débat constructif en ligne restent à inventer. Je suis plutôt d’accord sur ce dernier point: il y a encore beaucoup à inventer, mais les lecteurs sont bien des producteurs d’informations. A Rue89, au Post.fr, et sur quelques uns des 70 millions de blogs mondiaux…

Curieusement, le représentant de l’Acrimed continue d’agiter l’épouvantail de la publicité et du capital, tout en expliquant que rien ne vaut une bonne distribution de tracts sur un marché, parce que "ça au moins, on sait ce que ça donne", et que l’efficacité de la mobilisation en ligne reste à prouver.

Les bras m’en tombent un peu… Mais je ne me décourage pas. Et je porte le fer ailleurs, sur un terrain qui flatte un peu le catastrophisme ambiant des militants de gauche présents pour expliquer que la publicité en ligne, c’est le petit trou de la lorgnette, et que l’on ferait peut-être mieux de s’interroger sur les risque que l’on prend à confier pour 80 % environ l’accès à l’information entre les mains d’une seule entreprise privée, et je nomme Google.
Et d’expliquer que si l’on ne sait pas, aujourd’hui, apparaître dans la première page du moteur de recherche américain, on peut toujours essayer de diffuser une quelconque information, alternative ou pas. Que Google pourrait décider quelles sources méritent ces premières places et lesquelles ne le méritent pas. Et que cela mérite peut-être plus d’attention que quelques encarts de pub.

Et je me dis en moi-même que l’Acrimed vit peut-être encore un peu trop dans un monde de papier…
Et puis je me dis que celui des trois débatteurs qui a le rôle le plus important, finalement, c’est le formateur à la lecture des médias, celui qui donne les clefs au lecteur pour qu’il sache lire, analyser, trouver sa place dans le réseau médiatique. Un réseau qui ressemble de plus en plus à une discussion où le journaliste intervient, certes, avec son savoir-faire, mais que, surtout, il anime.
On sera applaudi, à la fin. Parce que ça se fait. Mais il reste bien du chemin.

2 réflexions sur “L’Acrimed dans un monde de papier ?”

  1. Acrimed ne vit pas seulement dans un monde de papier, mais aussi dans un monde virtuel de phantasmes révolutionnaires et dans un monde où le Grand soir reste son seul (leur) horizon… Alors, ne nous étonnons pas.

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