En Chine, l’agence qui contrôle les médias et la publicité a une nouvelle bête noire: les jeux de mots.
Selon les officiels du gouvernement, ces petites manipulations du sens sont une atteinte à la pureté de la langue et elles pourraient mener le pays au «chaos culturel et linguistique».
L’article de Slate qui commence par ces mots a de quoi faire bondir.
Les Chinois mettraient également en avant que le jeu de mot « d’induire le public en erreur, particulièrement les enfants qui ne comprennent pas encore les subtilités du langage ».
Ces arguments mériteraient une analyse fine. Le calembour, la blague, le Carambar, l’almanach Vermot, les titres de Libé, les jeux de mots laids pour gens bêtes, l’humour, quoi, seraient donc le signe de la vitalité de la démocratie, la brèche dans le langage où, en dernier recours, pourrait se nicher la subversion.
Je le crois, oui. Me penchant jusqu’à y tomber sur le zeugme, c’est bien ce que j’y ai vu, une brèche. Et ce qui caractérise l’humour, et par là le jeu de mot le plus anodin : un décalage entre le signifiant et le signifié qui produit le rire, et, c’est sans doute là le drame pour les Chinois, laisse un espace de liberté, au moins à l’interpretation.
Slate précise :
il faut faire connaissance avec le cheval de l’herbe et de la boue, ou Ca Ni Ma, un alpaga dont le nom, s’il est mal prononcé, ressemble beaucoup à l’insulte «nique ta mère».
Un simple à-peu-près qui devient le symbole d’une résistance et ce sont tous les jeux de mots qui trinquent.
Le mythe d’une langue pure, qui dirait ce qu’elle a à dire sans laisser de place à l’interpretation, une langue du premier degré, utilitaire et descriptive, n’est-elle pas au cœur même de tout projet de dictature ?
A moins qu’allant plus loin, on aille jusqu’à vider la langue du sens, et par là du contresens comme du double sens. Et voilà revenue la nov langue imaginée dans 1984 par George Orwell :
une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l’expression des idées potentiellement subversives et à éviter toute formulation de critique de l’État, l’objectif ultime étant d’aller jusqu’à empêcher l’« idée » même de cette critique (Wikipedia)
Au prochain calembour douteux, je revendiquerai ma position révolutionnaire assumée, mon amour de la liberté, ma revendication absolue de démocratie totale.
Il conviendrait d’ailleurs que la France, pays des droits de l’homme décrète une journée nationale du calembour afin de porter haut et fort l’étendard de la démocratie qui fit un temps sa réputation.
Poil au cons.